• - M. Peillon, abandonnez le très mauvais projet actuel... faites la réforme qui est attendue !

    Cette nouvelle tribune importante a été mise en ligne mercredi 13 mars sur le blog "Sciences2", de Sylvestre Huet, journaliste scientifique du quotidien Libération.

    Dans ce texte, le GRFDE analyse de manière très précise les conséquences du projet que semble retenir le gouvernement (deux années de master avec concours en fin de M1). Il y pointe notamment :
    - le risque très sérieux d'un affaissement de la formation académique, 
    - celui d'une qualification didactique et pédagogique superficielle,
    - la disparition de la recherche (des ersatz de masters), 
    - le maintien de la crise du recrutement,
    - celui d'une masse de "reçus-collés",
    - la mise en place d'un système ubuesque où il y aurait deux masters, un master "gagnants" (pour les reçus), un master perdants (pour les collés) et deux dispositifs de formation en M2,
    - le tout pour un coût très élevé (bien supérieur à celui du projet du GRFDE).
    Il critique la croyance dans les vertus formatrices des épreuves dites "professionnelles" qui sont envisagées pour les prochains concours. 

    Mais il définit finalement quelques grands axes autour desquels pourraient se re-construire vraiment la formation des enseignants dévastée par la politique de la droite. Grâce à une formation rémunérée d'une durée de 3 ans, affranchie de tout bachotage, ce dispositif permettrait de travailler dans la durée les articulations nécessaires entre apprentissages académiques, disciplinaires, didactiques et pédagogiques dans le cadre d'une alternance progressive, comportant des stages dès le début du M1 (d'abord en observation, bien sûr), dans un cadre universitaire adossé à la recherche. Ces axes pourraient former la base d'un consensus entre tous les acteurs de la formation des enseignants, tant ceux qui sont légitimement attachés à la qualité de la formation académique et disciplinaire, que ceux qui veulent aider les enseignants à se donner la formation didactique et pédagogique qu'exige l'objectif central d'une école de l'égalité.

    À lire et à diffuser...

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    Formation des enseignants

    M. Peillon, abandonnez le très mauvais projet actuel.

    Voyez grand, faites la réforme qui est attendue ! 

    Un sentiment amer de déjà vécu… La manière dont la réforme de la formation des enseignants se met en place à marche forcée (projet de nouvelles Écoles supérieures du professorat et de l’éducation, maquettes de nouveaux masters, épreuves des nouveaux concours, négociations entre universités et entre universités et recteurs…), avec ordres et contre-ordres, rappelle irrésistiblement l’automne 2008. Nicolas Sarkozy avait annoncé en juillet la réforme dite de la « mastérisation » et les deux ministres en charge de ce dossier, Xavier Darcos et Valérie Pécresse, exigeaient dès le début septembre qu’en quelques semaines, les acteurs de la formation des enseignants définissent les « maquettes » des masters, c’est-à-dire les contenus de formation de ces diplômes, leur répartition sur les deux années (M1 et M2), la place des préparations aux concours, la relation de ces formations avec les stages, les modalités d’évaluation, les équipes qui devaient les mettre en œuvre, etc. Cette précipitation n’avait réussi qu’à ajouter de l’exaspération au rejet par la communauté universitaire du contenu même d’une réforme visant seulement à supprimer des milliers de postes de stagiaires. Il y eut une « grève des maquettes ». Les deux ministres durent finalement admettre qu’un délai d’une année s’imposait…

    On retrouve aujourd’hui la même précipitation, mais dans un contexte juridique très différent. Nicolas Sarkozy avait voulu passer en force et s’était gardé de soumettre sa réforme au Parlement. Ses ministres avaient procédé par décrets, allant jusqu’à promulguer des textes dont l’illégalité fut pointée à trois reprises par le Conseil d’État. Aujourd’hui, c’est une Loi d’orientation qui va dessiner les grandes lignes du nouvel horizon. C’est par exemple cette loi qui prévoit la création des nouvelles Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ÉSPÉ).

    Toutefois, selon le calendrier de la réforme[2] diffusé par le Ministère de l’Éducation nationale, alors que l’Assemblée Nationale a commencé à débattre du projet le 11 mars dernier, le Parlement pourrait l’adopter entre la mi-mai et la fin juin. Mais on avance parfois l’échéance de la fin juillet pour cette adoption.

    Or, si l’actualité politique empêche le Parlement d’   adopter cette loi dans les délais prévus, la rentrée de septembre ne pourra pas se faire dans le nouveau cadre. Il en ira de même si les députés et les sénateurs prennent ce débat au sérieux, refusent de s’en tenir aux proclamations de principe que cette loi énonce concernant la formation des enseignants et l’amendent significativement. Supposons qu’en s’inspirant par exemple des propositions d’amendements du GRFDE[3] qui sont présentées sommairement à la fin de ce texte, les parlementaires décident de légiférer sur les contenus et la durée de la formation, sur le financement des études, sur la place du concours, toutes choses essentielles que, pourtant, le projet de loi laisse à la discrétion des ministres, alors même qu’il s’agit, pas moins, de refonder l’École… tout serait à refaire !

    Mais même si la loi est adoptée sans modification en juin prochain, Vincent Peillon et Geneviève Fioraso demandent aujourd’hui aux acteurs de préparer la mise en place d’institutions qui n’ont pas encore la moindre valeur légale. Il leur est même demandé de produire des projets de masters des métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (MEEF) devant préparer à des concours… dont les différentes maquettes ne sont pas encore connues ! C’est une politique du fait accompli, sans grand égard pour la représentation nationale, ni pour les personnels de l’Université, ni pour les praticiens-formateurs que l’on dit vouloir impliquer dans ce nouveau projet. Cette conduite de la réforme est peu démocratique et bien imprudente. Que dirait-on si les mairies recevaient ces jours-ci du ministère de l’Intérieur les nouveaux livrets de famille, ceux qui résulteront vraisemblablement de la loi sur « le mariage pour tous », alors que cette loi n’a pas encore été discutée par le Sénat ?

    Pourquoi cette hâte et cette fébrilité ? Il est certain que devant le champ de ruines que nous ont laissé les gouvernants du quinquennat précédent dans le domaine de la formation des enseignants, devant la souffrance des débutants obligés de faire face à leurs tâches sans réelle préparation pratique, devant les conséquences de cette incurie pour les élèves, on ne peut qu’être animé d’un sentiment d’urgence : vite, il faut réparer les dégâts et donner aux jeunes enseignants une formation digne de ce nom !

    Mais il était possible (et ça l’est encore !), sans tout bouleverser, de prendre des mesures immédiates de sauvegarde. On peut par exemple cesser d’exiger des stagiaires un service à 100 % de l’obligation des titulaires et leur attribuer une décharge de 50 % pour les aider à préparer la classe, leur permettre d’analyser et d’ajuster leur pratique et d’approfondir leur formation professionnelle. Sur le plan réglementaire, une telle mesure ne nécessite qu’un décret. Elle demande certes la création de 10 000 postes environ à compter du 1er septembre, mais ce n’est pas un problème, car le ministère les a prévus dans le budget pour mettre en place le dispositif transitoire 2013-2014. Ce faisant, le gouvernement donnerait tout le temps au Parlement de débattre et de légiférer, puis aux acteurs de la formation de se mobiliser pour mettre en place sans improvisation ni bricolage une réforme solide dans un cadre législatif clair et assuré.

    Pourquoi n’avoir pas suivi ce processus plus sage et plus démocratique ? Pourquoi lancer l’Université (les UFR et les futurs ex-IUFM) dans cette course d’obstacles insensée ? Il n’y a qu’une seule explication : Vincent Peillon, craignant l’enlisement, veut aller très vite pour inscrire durablement une réforme qu’il dit ambitieuse dans le paysage universitaire avant la fin du présent quinquennat.

    « Une réforme ambitieuse »… Vraiment ?

    Mais le ministre surestime largement les qualités de son projet. Le nouveau scénario annoncé pour le recrutement et la formation des enseignants risque en effet d’entraîner un affaissement de la qualification académique des enseignants débutants sans améliorer vraiment leur formation pédagogique. Il comporte tellement d’incohérences qu’il plongera les étudiants, les ÉSPÉ et les universités dans des difficultés inextricables. Loin d’être durable, dans 3 ou 4 ans, peut-être avant, il sera rejeté par les formateurs de toutes catégories, par les étudiants et par l’Inspection Générale elle-même. Il faudra remettre l’ouvrage sur le métier et promouvoir une énième réforme…

    Rappelons qu’aujourd’hui, à la suite de la réforme Darcos-Pécresse, les futurs enseignants préparent un master en deux ans après la licence. Ils peuvent passer les concours au plus tôt au cours de la deuxième année de master (M2), mais ne sont définitivement admis que sous condition d’obtenir ce master (ou d’en détenir déjà un). Les lauréats ont aussitôt le statut de fonctionnaire stagiaire durant un an, avec un service à 100 %[4]. Si leur stage est validé, ils sont titularisés à Bac + 6.

    Le projet de Vincent Peillon consiste à avancer d’un an le moment du concours (en M1) et à fusionner en une seule l’année de M2 et celle du stage. La titularisation intervient ainsi à Bac + 5. Durant cette seconde année, les futurs enseignants ont un service à 50 %.

    On remarque que le projet comporte une sérieuse amélioration de la condition des stagiaires puisque leur temps de service serait divisé par deux. Mais c’est un strict minimum s’ils doivent simultanément faire la classe et obtenir un master.

    Avec une telle réforme, le ministre affirme que les enseignants seraient mieux formés qu’aujourd’hui. En fait, ce scénario équivaudrait à un retour en arrière. On reviendrait au dispositif d’avant la « mastérisation » (2009), c’est-à-dire à une formation coupée en deux :

    -       la première année était consacrée à la préparation du concours ;

    -       la seconde, pour les lauréats, était consacrée essentiellement au stage en responsabilité devant les élèves (préparation de la classe, conduite des séances, corrections).

    On retrouverait alors tous les défauts de ce dispositif, dénoncés à l’époque par les acteurs de la formation unanimes et par les étudiants :

    -       La première année ne serait pas une année de réelle formation professionnelle en alternance mais, pour des étudiants obnubilés par la perspective du concours, une année de bachotage, que les épreuves soient académiques ou à coloration didactique.

    -       La seconde année serait ingérable. Les lauréats devraient assurer un service à 50 % devant les élèves, au lieu de 33 à 40 % avant 2009, ce qui leur demanderait un temps conséquent de préparation. Mais, en reprenant ce dispositif dans le cadre du master, on leur imposerait un programme infaisable : en plus de cette charge de travail, ils devraient suivre plusieurs centaines d’heures de cours et valider les enseignements pour l’obtention de ce diplôme universitaire ; ils auraient l’obligation de produire et de soutenir un mémoire de recherche demandant un travail sérieux tout au long de l’année ; il leur faudrait approfondir leur compétences dans une langue vivante et dans les technologies numériques appliquées à l’éducation, etc.

    L’affaiblissement de la formation académique

    Cette réforme garantirait-elle « le haut niveau de qualification académique » promis ? En première année, l’objectif principal des étudiants et des formateurs serait la réussite du concours, situé au cours du second semestre. Or, le programme des concours, tel qu’il ressort de la « maquette générique » diffusée par le ministère de l’éducation nationale, donne la priorité aux « compétences professionnelles en cours d’acquisition ». Les épreuves écrites d’admissibilité, notamment la première, seraient certes centrées sur la maîtrise des savoirs académiques, avec une vague coloration didactique ou pédagogique, mais « le programme du concours reposera le plus souvent sur les programmes des élèves, considérés au niveau M1 » (document ministériel). C’est une façon de dire que l’année de M1 du master enseignement ne viserait pas du tout les mêmes objectifs que celles d’un master recherche. En clair, les auteurs de ce projet considèrent que les connaissances acquises en licence sont un « socle » suffisant pour développer les capacités à enseigner. Or, il faut le dire clairement : dans la plupart des disciplines, depuis que la réforme LMD a diminué significativement les volumes horaires d’enseignement dans le premier cycle universitaire et, un peu plus encore après que la réforme récente de la licence a instauré une plus grande continuité avec le lycée et une spécialisation disciplinaire très progressive, la maîtrise des connaissances à l’issue de la licence s’avère absolument insuffisante pour enseigner l’ensemble des programmes du secondaire, de la sixième à la terminale.

    De plus, les épreuves orales d’admission seraient centrées sur les « compétences professionnelles » et leur coefficient serait majoré (2/3) aux dépens des épreuves d’admissibilité (1/3). Au total, avec de tels concours, le centre de gravité de la première année du master enseignement ne serait pas du tout la qualification académique.

    Mais ce n’est pas la seconde année qui permettrait de conforter la maîtrise des connaissances académiques. Dans le projet ministériel, l’ancrage de cette seconde année sur le stage en responsabilité donnerait forcément la priorité à d’autres objectifs liés à l’entrée dans le métier. Les responsables le disent eux-mêmes, la formation à et par la recherche serait sacrifiée : « Avec ces impératifs, les masters actuels qui sont de l’ordre de 900 - 1 000 heures de formation deviendront “des masters à 700 heures”. Dans ce cadre, la recherche “ne rentre pas” »[5]. Plus généralement, il serait impossible de bien former les enseignants en deux ans après la licence : « les masters MEEF doivent donner aux étudiants ”un socle” pour enseigner… Il ne faut pas penser que, sur le M1 et le M2, nous allons être capables de faire acquérir l'ensemble des connaissances et intégrer [en plus] les savoirs disciplinaires, le professionnel, l'académique et de préparer le concours. »[6]

    Pour ces responsables, il est certain qu’avec la réforme projetée, on n’aurait que des ersatz de masters. Et l’on ne voit pas comment on éviterait que le niveau scientifique des enseignants, y compris dans le primaire, subisse un sérieux affaissement.

    Une formation didactique et pédagogique superficielle

    On ne peut avoir plus de qualification didactique et pédagogique avec moins de savoirs scientifiques. Mais même sur ce volet de la formation pédagogique et didactique, sur lequel les concepteurs du projet de réforme ont voulu mettre l’accent, les choix qu’ils ont faits tournent le dos aux exigences d’une formation professionnelle de qualité.

    D’abord, il est à craindre qu’en M1, les étudiants, essentiellement mobilisés par la préparation du concours, s’investissent superficiellement dans les stages proposés. C’est exactement ce qu’on observait avec le dispositif d’avant la mastérisation durant l’année de préparation au concours.

    Ensuite, il faudrait plus de progressivité dans les stages, de l’observation à la responsabilité. Or, les étudiants de M1 n’auraient que des stages d’observation et, éventuellement, de pratique accompagnée. Mais en M2, tout d’un coup, les lauréats devraient assurer un mi-temps devant élèves du début à la fin de l’année !

    On dira peut-être que, si le concours comporte des épreuves professionnelles, cette compétition est saine car elle vise l’acquisition de compétences utiles à la formation des enseignants. Le concours permet ainsi de gouverner la formation (c’est le fameux « pilotage par l’aval »). Hélas, comme les candidats n’auraient pas d’expérience effective de la classe et qu’on leur demanderait d’analyser des situations d’enseignement, ces épreuves feraient fonctionner une didactique et une pédagogie hors-sol. Et l’on sélectionnerait ainsi les futurs enseignants, non sur ce qu’ils font en classe, mais sur ce que, lors des épreuves, ils disent vouloir faire, c’est-à-dire sur des capacités discursives et sur des intentions affichées, non sur des capacités pédagogiques et une authentique expérience du métier. Les meilleurs à cette aune-là ne seraient pas forcément les meilleurs en classe.

    Un partisan déclaré des épreuves professionnelles, commentant la maquette des concours conçue par le ministère, déclare : « Il n’y a pas de compétences évaluables sans élèves ! Pour les épreuves orales, comment voulez-vous juger de la pertinence et de la qualité d'un geste professionnel sans élèves ? C’est comme si, au CAP de menuisier, on donnait tous les outils mais pas de bois ! C’est un exercice d’acteur, et on sait qu’actuellement, c’est bien ce qui se produit. Mesurer une compétence professionnelle ne peut se faire que devant des élèves »[7].

    Et, à moins d’organiser des épreuves en classe en présence d’élèves réels, on aboutirait forcément à une dogmatisation de la didactique : en effet, pour les candidats, l’important ne serait pas ce qui est juste et vrai mais ce qu’il faut écrire ou dire au jury pour répondre à ses attentes et obtenir une bonne note. Quel candidat, le jour du concours, oserait critiquer les paradigmes dominants des didactiques actuelles et soutenir un courant didactique minoritaire ? Ce type d’épreuve ferait du master une école de l’hypocrisie.

    Procéder ainsi, il faut bien s’en rendre compte, ce serait sacrifier l’indispensable formation didactique, qui doit toujours être liée, pour le débutant, à l’analyse de problèmes réels d’apprentissage rencontrés par des élèves réels observés dans des situations d’enseignement réelles. Ce serait aller contre les exigences universitaires d’une formation critique et ce serait fragiliser les didactiques elles-mêmes.

    Les épreuves professionnelles : une fausse bonne idée

    Au total, l’idée d’épreuves professionnelles écrites et orales pour le recrutement des enseignants est le type même de la fausse bonne idée. On peut bien sûr interroger les candidats sur des savoirs connexes aux didactiques (exemples : les grandeurs discrètes et les grandeurs continues, l’évolution technologique et celle de la cartographie, les représentations primitives de la digestion, les morphèmes…), voire sur des connaissances épistémologiques, historiques ou sociologiques portant sur l’école et les disciplines scolaires. Mais il faut renoncer à ce projet un peu simpliste, les « épreuves professionnelles » écrites ou orales, car c’est un piège pour la formation et pour l’école. Et cette « didactique de papier » est un cadeau empoisonné fait aux didacticiens.

    Souhaite-t-on vraiment faire vivre les approches didactiques dans la formation et non s’en débarrasser comme d’un item à cocher ? On ne peut alors parier que sur l’intérêt des analyses didactiques dans le développement de la réflexivité en acte et pour le perfectionnement professionnel et sur la formation par et à la recherche en didactique. C’est la seule voie possible. Citons par exemple deux modalités de formation qui offrent une garantie de qualification didactique et pédagogique bien plus sérieuse que les épreuves pseudoprofessionnelles du concours.

    Premier exemple : l’organisation de stages sur le mode « préparation/essai 1/analyse/essai 2/analyse » autour d’objectifs d’apprentissage bien spécifiés et correspondant à des problèmes professionnels partagés par les débutants. Mais la période de stage en responsabilité en M2 ne semble pas conçue sur ce modèle. Cela supposerait que les stagiaires n’aient point trop d’autres choses à faire. Or, avec cette deuxième année surchargée, quel temps leur resterait-il pour avoir un retour sur expérience, analyser leurs séances, comprendre les réactions des élèves, interpréter leurs erreurs, comparer des entrées différentes dans le même concept, le même savoir-faire ou la même œuvre… et rétroagir sur leurs choix didactiques et pédagogiques ?  

    Second exemple : le mémoire de recherche du master. C’est l’un des moyens les plus importants pour viser la formation du « praticien réflexif ». Il permet en effet d’articuler des contenus de savoirs, des programmes disciplinaires, des observations sur les apprentissages, des études épistémologiques, historiques et didactiques et des essais de transposition. Mais le programme surchargé de l’année de M2 interdit aussi ce type de formation qui demande du temps. Comme cela a été dit par des responsables ministériels, on n’exigerait des stagiaires que des « rapports de stages ».

    La refondation de l’école compromise

    On le voit bien, le projet actuel du gouvernement souffre d’un défaut majeur : une durée de formation trop courte, qui plus est, plombée par le concours en première année. Comme le disent dans une motion récente les enseignants d’Histoire et Géographie de l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble, « à vouloir tout faire en même temps, on aura donc une préparation disciplinaire insuffisante, une formation professionnelle illusoire (car non-adossée à une pratique de terrain) et une initiation à la recherche inexistante. »

    Il est étonnant de constater qu’en fusionnant l’année de fonctionnaire stagiaire avec celle de M2, le gouvernement s’apprêterait en fait à réduire d’une année le cadre légal de la formation initiale ! Il suffirait pourtant de donner un demi-service aux actuels lauréats à l’issue de l’année de M2 pour que le schéma Darcos-Pécresse, sans modifier son cadre juridique, soit nettement meilleur que l’actuel projet ! À l’inverse, les possibilités d’évolution de ce dernier, coincé dans les limites étroites de ces deux années, dont la première nécessairement consacrée au concours, seraient très faibles.

    Si d’aventure le gouvernement n’abandonnait pas son projet actuel, c’est celui de la « refondation de l’école républicaine » qui serait dans l’impasse. Comment pourrait-on en effet viser une plus grande efficacité de l’enseignement dans les écoles, les collèges et les lycées et une École plus égale si les professeurs n’étaient pas mieux formés que depuis 2009 ?

    L’actuel projet ne résoudrait pas la crise du recrutement

    La crise historique du recrutement, considérablement aggravée par la réforme Dacros-Pécresse, serait-elle enrayée par les mesures actuellement envisagées ? Commençons par souligner que cette crise nuit à la qualité du service public d’éducation et fragilise la profession du fait de l’augmentation du nombre de précaires recrutés par les rectorats quand les concours « ne font pas le plein » d’admis. Mais elle atteint aussi le principe même du recrutement par concours. Les libéraux pourraient aisément montrer que, dans les pays où le système en vigueur est « on se forme, puis on se vend », il n’y a pas de crise du recrutement (nous sommes l’un des rares pays d’Europe à bénéficier d’un recrutement par concours…). En donnant aux chefs d’établissements le pouvoir de recruter les enseignants et en supprimant les concours (mesures qui sont dans les cartons de l’UMP et du FN), ils en finiraient avec la fonction publique enseignante, qui est la garantie de l’autonomie intellectuelle des enseignants, de l’égalité de la formation sur tout le territoire et de la laïcité. Sortir de cette crise est donc une urgence pédagogique, sociale et politique.

    La première mesure sur laquelle compte Vincent Peillon est l’augmentation du nombre de postes mis aux concours. En effet, quand on observe année après année le rapport entre le nombre de postes ouverts depuis la fin des années 1990 et celui des candidats présents, on voit bien que, pour augmenter celui-ci, il faut aussi augmenter celui-là. Or, pour la session de recrutement de 2013 (l’admissibilité a eu lieu à l’automne 2012), cette « loi » ne se vérifie plus. Comme le montrent les premières statistiques, alors que le nombre de postes a augmenté de 69 % (on passe de 13 000 en 2012 à 22 000 en 2013), celui des présents aux épreuves d’admissibilité du CAPES et du concours des professeurs d’école (CRPE) a crû respectivement de 11 % et de 9 %. Il est à craindre que la difficulté à « faire le plein » ne s’aggrave cette année dans plusieurs disciplines pour le CAPES et quelques académies pour le CRPE. L’obstacle est ici la dimension du « vivier » : avec l’exigence d’un niveau master (Bac + 5) pour passer le concours, l’État a mécaniquement déstabilisé le recrutement des enseignants. C’est probablement la seule profession hautement qualifiée dans laquelle le recrutement est si tardif. Dans la plupart des cas (médecins, ingénieurs, infirmières, manipulateurs radio, magistrats, contrôleurs aériens, etc.), le concours est situé à l’entrée en formation, au plus tard à Bac + 3.

    La seconde mesure sur laquelle compte le ministre, c’est l’avancement du concours en M1. On vient de le voir, plus le concours a lieu tardivement, plus le « vivier » se réduit. Mais la mesure est-elle assez marquante ? En effet, avant de s’engager dans un master enseignement, les étudiants devront prendre en compte leur devenir en cas d’échec au concours. Or, une réorientation en fin de M1 est particulièrement difficile. Le plus raisonnable pour eux est sûrement de persévérer dans le master enseignement en M2 et de repasser le concours l’année suivante. Du coup, pour la plupart des étudiants, au moment du choix d’un master, la différence entre concours en M1 et concours en M2 est peu sensible. Sur ce plan, la réforme projetée risque d’être trop timide. C’est ce que semblent révéler les inscriptions aux concours de 2014, pourtant ouvertes avec des conditions plus favorables[8]. L’augmentation d’environ 50 % des inscriptions constatée fin février pourrait être trompeuse car, de façon totalement inhabituelle, elles auront concerné deux cohortes. En fait, le nombre d’inscriptions pourrait même constituer un signe alarmant. À supposer que Vincent Peillon maintienne ce projet, si le nombre d’étudiants qui s’inscriront en septembre en première année de master enseignement ne montre pas une hausse spectaculaire, cette mesure se révélerait, dès la prochaine rentrée, impuissante à sortir la profession de la crise du recrutement.

    La troisième mesure est le dispositif des « Emplois d’avenir professeur » (EAP). Ce dispositif, réservé à des jeunes des milieux populaires, est censé augmenter le « vivier » potentiel des candidats aux concours d’enseignement et « remettre en route l’ascenseur social » (Vincent Peillon, le 14 février dernier). Depuis la deuxième année de licence (L2) jusqu’à la fin de l’année de M1, 6 000 jeunes recevront une rémunération mensuelle nette de 402 € (à laquelle peut s’ajouter une bourse de 217 €). Mais cela vient en contrepartie d’un travail effectué dans un établissement scolaire à raison de 12 heures par semaine.

    Ce dispositif a été ouvert au 1er janvier 2013. Or, malgré les signes de satisfaction officiels, il ne semble pas que les candidats recherchés affluent vers ces EAP. Mais même si c’était le cas, il conviendrait de regarder le phénomène avec prudence. En effet, ce dispositif pourrait se révéler contreproductif et injuste : avec l’obligation d’effectuer 12 heures de travail par semaine, surtout en M1 où il s’agit de missions d’enseignement, ces jeunes seront en moins bonne position pour s’investir dans leurs études et préparer le concours que ceux qui ont le soutien de leur famille et peuvent s’y consacrer à 100 %. Tout se passe comme si l’État avait décidé de dépenser plus de 100 millions d’euros (en année pleine) pour financer l’exclusion de milliers de jeunes des milieux populaires du métier d’enseignant.

    Et toujours des milliers d’étudiants « reçus-collés » …

    De plus, le dispositif de concours en M1 ne ferait pas disparaître le phénomène des « reçus-collés » engendré par la réforme Darcos-Pécresse : reçus au master, mais collés au concours. Simplement, le phénomène apparaîtrait dès la fin de l’année de M1. Voilà en effet des étudiants qui se seraient engagés dans un master enseignement, dont l’ÉSPÉ aurait validé les formations de première année, qui pourraient donc s’inscrire en deuxième année de master, mais qui auraient échoué au concours. Le ministère voudrait que ces étudiants se réorientent vers une deuxième année de master sans grande continuité avec la première pour aller vers d’autres métiers que le professorat : éducateurs de jeunes enfants, aide-éducateurs, médiateurs, animateurs socioculturels, assistants de vie scolaire, cadres territoriaux des services scolaires, etc. Mais, à supposer que les ÉSPÉ soient en mesure d’organiser très bientôt ces formations à grande échelle, pour la plupart des « reçus-collés », cette réorientation serait vécue non comme un choix positif mais comme une seconde sanction après leur échec au concours. Et quel étudiant doué de raison, déterminé à devenir enseignant, accepterait de bifurquer ? En persévérant, il aurait au moins un master enseignement négociable pour des emplois de remplacement, il pourrait espérer réussir le concours la deuxième année (bien davantage qu'au premier essai) et, dans ce cas, accéder à un emploi stable et bénéficier d’un revenu régulier. Le ministère prévoirait-il une obligation de réorientation ? Ce serait contraire à la loi et à l’autonomie des universités. Y aurait-il un barrage à l’entrée de l’année de M2, ouvert aux seuls lauréats mais fermés à des titulaires patentés de l’année de M1 ? Ce numerus clausus à l’entrée du M2 serait illégal.

    A-t-on le droit de faire perdre à tant de jeunes deux précieuses années post-bac, parfois trois s’ils persistent une année de plus pour repasser le concours ? On peut mesurer dès maintenant l’amertume de ces « reçus-collés » sur plusieurs forums d’étudiants. Dans quelle autre profession procède-t-on ainsi ? Que dirait-on d’un système qui formerait des milliers d’infirmières pour n’en diplômer finalement qu’une sur quatre ? Et ne prépare-t-on pas ainsi une armée de précaires potentiels qui ne demanderont qu’à se faire embaucher pour des remplacements d’abord, puis bien davantage ensuite… ?

    Un système ubuesque

    Le concours en M1 pose enfin un problème que les deux ministères concernés (Éducation nationale et Enseignement supérieur et recherche) ne semblent pas avoir anticipé : il faudrait prévoir deux masters en un, l’un avec un M2 pour les reçus au concours devenus stagiaires (qui ne pourront étudier qu’à mi-temps), l’autre avec un M2 pour ceux qui auront échoué (et qui seront plus disponibles).

    Au bout du compte, on aurait donc aussi dans chaque académie des masters « pour gagnants », ouverts aux seuls reçus, et, pour les autres, des masters « pour perdants ». Cela suscite dès maintenant de nombreuses questions. En voici trois, dont les réponses conditionnent l’élaboration des maquettes des nouveaux masters :

    -       Y aurait-il des stages en responsabilité dans le « M2 pour perdants » ? Si la réponse était positive et s’il y a, comme aujourd’hui, 3 « collés » pour 1 reçu, il faudrait prévoir un nombre inouï de stages. Dans certaines académies, cela friserait l’extravagance.

    -       Les « perdants » auraient-ils des enseignements en commun avec les « gagnants » ? Si oui, lesquels ?

    -       Les M2 « perdants » pourraient-ils suivre les préparations au concours organisées pour les M1 ?

    Le cahier des charges national ne prévoit rien sur ces sujets.

    Mais les « collés », une fois diplômés, malgré leur master « pour perdants », se représenteraient l'année suivante. Ils feraient une très sérieuse concurrence aux étudiants inscrits en M1, a priori moins avancés. Du reste, les UFR et les ÉSPÉ auraient vraisemblablement à cœur d'offrir à ces « collés » persévérants un M2 « pour perdants » comportant une grosse part de préparation aux épreuves du concours. En lieu et place d’un master, on aurait ainsi non pas une, mais deux années de bachotage !

    Finalement, au bout de quelques années, le concours serait passé et réussi par une majorité d'étudiants en fin de master « pour perdants »... Au bilan, après avoir tenté un retour au schéma d’avant la mastérisation (avec un concours passé en droit en M1), on reviendrait au schéma Darcos-Pécresse (avec concours passé en fait en M2). C'est la loi de la gravitation !

    Et pour les diplômés du master « pour perdants » qui auraient réussi le concours lors de leur seconde tentative, on ne pourrait pas leur proposer une seconde année de M2 comme c'est prévu aujourd'hui pour les actuels lauréats (ils auraient déjà obtenu le master enseignement complet !). Que feraient-ils ? Les mettrait-on en responsabilité à temps plein ? Leur proposerait-on un parcours adapté ? Sous quelle forme en termes de formation universitaire ?

    Le fait que ces questions n’aient pas été évoquées paraît incroyable. Quant à l'organisation du travail des formateurs, si Vincent Peillon maintenait son projet, avec la multiplicité de ces parcours, on battrait tous les records de complexité.

    Enfin, quel impact cet imbroglio aurait-il sur les coûts du système de formation ? Si l'on compte que les 3 étudiants sur 4 recalés au concours poursuivent leur parcours en M2, il se pourrait que le dispositif prévu par Vincent Peillon s’avère plus dispendieux que celui de Darcos-Pécresse[9] !

    Une réforme ambitieuse est possible

    Le GRFDE ne se satisfait pas de déplorer l’inanité du projet de réforme actuellement envisagé par le gouvernement. Il a proposé dès septembre un projet alternatif qu’il a depuis enrichi et précisé[10]. Rappelons-en les grands axes : 

    1. Le concours a lieu en fin de 3e année de licence (L3). Les épreuves permettent de vérifier les connaissances disciplinaires des candidats sur la base du programme de licence et d’apprécier leur capacité à construire, communiquer et soutenir une argumentation. Le concours donne accès à une école universitaire. Les lauréats y préparent un master enseignement en 2 ans (soit Bac + 5). Les détenteurs d’un master recherche ou d’une équivalence obtenue par Validation des Acquis de l’Expérience (VAE), peuvent passer un concours spécifique donnant un accès direct en 2e année de master (M2). Les études sont rémunérées pour tous les lauréats (allocation de 1 250 € / mois).

    2. Après le master, les étudiants bénéficient d’une 3e année de formation, sous statut de fonctionnaire stagiaire avec, au maximum, 60 % de l’obligation de service. En outre, après titularisation, pour leur 1re année d’exercice, leur service est allégé (80 % de l’obligation de service).

    3. Des bourses de préparation aux concours (1 100 € / mois) sont attribuées dès le début de L2 sur critères sociaux et académiques. Le nombre de bourses est égal à 50 % des postes mis au concours et, pour éviter qu’un gouvernement impécunieux ne les supprime en catimini, ce pourcentage est inscrit dans la loi. Ces aides, conditionnées seulement par l’engagement d’être assidu aux formations, de s’inscrire au concours et de le préparer, jouent le rôle d’un prérecrutement.

    Au total, grâce à trois années de formation rémunérée, organisées dans un cadre universitaire, sur le modèle d’une alternance progressive, ce dispositif, libéré des exigences de la préparation d’un concours, permet de garantir à la fois un haut niveau de qualification académique, une formation didactique et pédagogique de qualité et son articulation à la recherche disciplinaire et en éducation. Il y a également là les mesures radicales susceptibles de résoudre rapidement la crise historique du recrutement et de rendre plus accessible le métier d’enseignant aux jeunes issus des catégories populaires.

    Avec un concours en L3, on évite aussi tout décrochage dans le recrutement entre les divers métiers. Mais plus encore, le concours en L3 ouvre enfin une possibilité de former à l’Université l’ensemble des personnels enseignants y compris les enseignants des filières technologiques et professionnelles, dont la formation se réalise aujourd’hui très largement hors de l’Université et est littéralement abandonnée aux CFA du privé.

    Enfin, le GRFDE accorde une très grande importance à la formation continue et à la formation des formateurs. Celles-ci ont été anéanties dans les dix dernières années. La « refondation de l’école » passe par un effort sans précédent dans ce domaine. Il y a urgence à mettre en place, pour l’ensemble des métiers de l’éducation et de la formation, une politique ambitieuse, planifiée et suivie, au service des besoins de perfectionnement professionnel des enseignants et de leurs formateurs.

    On nous dit souvent : « Votre projet est séduisant, mais il est irréaliste en raison de son coût ! Qui croyez-vous convaincre en cette période de restrictions budgétaires ? » Certes, la question du coût ne peut pas être le point d’entrée dans celle de la formation des enseignants. Mais comme cette objection interdit toute discussion, le GRFDE a fait une étude comparative des trois scénarios : dispositif Darcos-Pécresse, projet actuel de Vincent Peillon et projet du GRFDE. Le résultat est surprenant mais édifiant : le scénario Darcos-Pécresse est le plus dispendieux, alors même qu’il avait été conçu pour réaliser des économies budgétaires ; celui du GRFDE est significativement moins coûteux que celui que Vincent Peillon semble retenir, surtout si l’on ajoute à ce dernier le coût des EAP et celui, considérable, des « reçus-collés » qui poursuivraient leur formation en M2.

    Une réforme qui peut faire consensus

    Le projet du GRFDE est susceptible de rassembler la plupart des acteurs de la formation des enseignants.

    Ceux qui, très légitimement, sont particulièrement attachés à garantir un bon niveau scientifique des enseignants ne peuvent qu’être intéressés par un dispositif progressif étalé sur 3 ans. Au concours en L3, les étudiants sont sélectionnés principalement sur le critère de la maîtrise des savoirs enseignés en premier cycle, ce qui contribue aussi à renforcer la mobilisation de ces étudiants sur le programme de licence. Ensuite, la formation sous la responsabilité de l’Université, affranchie de la préparation du concours, donne aux futurs enseignants le temps de maîtriser les savoirs académiques indispensables à l’appropriation des savoirs scolaires (les « disciplines ») et à leur transmission, à la réflexion sur les enjeux culturels et intellectuels de cette transmission, à l’entrée dans un processus de formation tout au long de la carrière. Il permet de faire de cet objectif un axe fort du master en l’articulant à une authentique formation à et par la recherche.

    La seconde voie d'accès à la formation après obtention d'un premier master recherche (l’entrée se fait directement en M2), répond également à cette exigence en même temps qu'elle rend possible une diversité des parcours.

    Ce projet du GRFDE ne peut pas non plus laisser indifférents les acteurs de la formation, enseignants-chercheurs ou praticiens-formateurs, qui défendent l’idée d’une formation initiale en alternance progressive, étalée dans la durée et libérée de l’obsession du concours, sur le modèle des formations de médecins, ingénieurs, infirmières, etc., où le futur professeur a le temps d’observer le travail de ses aînés, de faire des essais sous tutelle puis en responsabilité, de concevoir sa pédagogie et de questionner sa pratique, d’échanger avec ses pairs, de s’initier à la recherche didactique et pédagogique, d’entreprendre la rédaction d’écrits de formation et d’un authentique mémoire de recherche autour d’un problème professionnel…

    Quant à ceux qui veulent voir l’État faire un effort considérable en faveur de la démocratisation du recrutement des enseignants et pour sortir définitivement de la crise du recrutement, ils ne peuvent que juger favorablement le projet du GRFDE.

    M. Peillon, voyez grand ! Faites la réforme attendue

    Notre collectif s’adresse solennellement à Vincent Peillon. Monsieur le Ministre, nous connaissons et apprécions votre attachement, qui est ancien, à l’École de la République et à la qualité de la formation intellectuelle et pédagogique de ses maîtres. Mais la réforme que vous envisagiez jusqu’ici n’est pas du tout à la hauteur des ambitions affichées au printemps dernier, lors des élections présidentielles. Si vous mainteniez les options actuelles avec le concours en M1, cela ne réglerait rien de la crise du recrutement, on retrouverait le gâchis humain des « reçus-collés » et le travail des formateurs serait sérieusement compliqué par la multiplication des parcours liés à cette situation et aux réorientations. En réduisant de trois à deux ans le cadre juridique de la formation initiale, cette réforme aboutirait à dégrader le niveau de formation académique des futurs enseignants. Vous teniez beaucoup à améliorer la formation pédagogique des maîtres. Mais même sur ce plan-là, l’analyse du projet actuel laisse très dubitatif. Le projet de refondation historique de l’École républicaine serait compromis. Au bilan, il n’y aurait que déception et amertume.

    Pourtant, à l’heure actuelle, en dehors peut-être de la création des ÉSPÉ, qui est inscrite dans le projet de Loi d’orientation, rien de ce que vous avez envisagé ces derniers mois n’est irréversible. Vous disposez de tous les moyens pour entreprendre le vaste projet de reconstruction de la formation des enseignants qui est attendu depuis la dévastation que la réforme Darcos-Pécresse lui a fait subir.

    Mettez fin à la précipitation imprudente avec laquelle cette réforme est menée. Abandonnez le projet actuel qui — nous sommes obligés de vous le dire — est franchement mauvais. Faites le choix d’une réforme ambitieuse qui marquera l’avenir et donnez le temps à tous les acteurs de s’en approprier la philosophie et de se mobiliser pour sa mise en œuvre. Vous voulez « refonder » l’École. Donnez-lui de nouvelles fondations : osez une réforme historique de la formation des enseignants !

    Le GRFDE, 13 mars 2013



    [1] Texte mis en ligne sur le blog de Sylvestre Huet le 13 mars 2013

    [4] Vincent Peillon a réduit ce service en septembre dernier d’un peu plus de 15 %.

    [5]  Déclaration du président de la Conférence des directeurs d’IUFM, Pierre Statius, devant la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, le 6 février 2013. 

    [6]  Déclaration le même jour devant la même commission de Gilles Roussel, président de la commission de la formation et de l’insertion de la Conférence des présidents d’université (CPU). 

    [7] Jean-Pierre Obin, inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale, préfacier du programme pour l’école de A. de Montebourg lors des primaires du PS. Interview à AEF, le 31 janvier 2013. 

    [8] Les inscriptions sont closes depuis le 21 février. Pouvaient s’inscrire les titulaires d’un master complet mais aussi les étudiants ayant déjà validé une première année de master. L’admissibilité aura lieu en juin prochain ; l’admission aura lieu au printemps 2014.

    [9]  Voir, sur son site, l’étude du GRFDE sur les coûts des divers scénarios et sa réponse aux critiques qui lui ont été faites ensuite sur cette étude comparative. 

    [10] À lire sur le site du GFRDE : http://grfde.eklablog.com 


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