• -Motion du département de Lettres Modernes de l’Université de Bourgogne

    14 février 2013
    Le Département de Lettres Modernes de l’Université de Bourgogne, réuni le 14 février 2013, condamne le projet de loi de Refondation de l’École, mené sans réelle concertation avec les personnels formateurs concernés et selon un calendrier qui ne permet ni une réflexion véritable ni le bilan de ce qui a été fait précédemment, et notamment de la “mastérisation”.


    Le principe de cette loi est en effet que le maintien du doublon concours/master permettrait une sorte de division du travail entre le diplôme et le concours, le premier étant censé s’occuper de la formation et de l’évaluation disciplinaire, le second de l’évaluation des « compétences » pédagogiques. Or la destruction de l’ancrage disciplinaire de la formation s’amplifie de facto puisque la seule véritable sanction restera celle du concours : la licence sera donc le point d’aboutissement de la formation disciplinaire pour les futurs enseignants, alors même qu’une part importante de « pluridisciplinarité » y est introduite pour donner corps à la préconisation de continuité avec l’enseignement secondaire qu’introduit par ailleurs le projet de loi.
    Le nouveau concours prévu dans ces textes laisse une place réduite aux savoirs des disciplines de spécialité : une seule épreuve sur quatre porte sur les savoirs disciplinaires en tant que tels et, en outre, le barème de notation conduit à les sous-évaluer nettement (1/6 de la note globale d’admission au CAPES). Les autres épreuves du concours se veulent à coloration « didactique », pédagogique » et sont destinées à évaluer des compétences dites « professionnelles ». Mais des compétences professionnelles peuvent-elles, dans ce domaine, s’évaluer sans élèves ? La disparition d’épreuves disciplinaires importantes aux concours ne peut que compromettre la qualité de l’enseignement dans les lycées et collèges : une formation professionnelle de qualité ne peut pas reposer sur la diminution des savoirs et la didactique, comme l’ont toujours défendu les spécialistes de cette discipline, n’a pas de sens sans ancrage disciplinaire. Au nom de la “professionnalisation”, cette réforme prive les étudiants du bagage théorique et méthodologique dont ils ont besoin pour tirer pleinement profit de la pratique de classe encadrée en M2 et pour s’approprier le métier d’enseignant de manière progressive, autonome et sure ; elle les prive du socle de connaissances indispensable à toute réflexion critique sur les apprentissages de leurs élèves et sur leurs objectifs.
    Le Département de Lettres Modernes note en outre que le calendrier prévuentraîne non seulement la surcharge du M1 au nom d’une rhétorique vide de « l’intégration » du disciplinaire, du didactique, du pédagogique et du professionnel mais qu’en M2 l’essentiel du temps soit inévitablement consacré au stage (mi-temps d’un service normal) . Une préparation disciplinaire insuffisante, une formation “professionnelle” illusoire (déconnectée de la pratique de terrain) et une initiation à la recherche inexistante : ce projet semble avoir réussi à proposer pire que la “masterisation”. Monté dans une précipitation qui affole les étudiants et se surajoute à 5 ans de réformes à marches forcées imposées aux préparateurs, en dépit de toutes les analyses et de tous les avertissements, ce projet aggrave la situation en créant les ESPE, placées sous l’autorité directe du Rectorat, et qui font des universités de simples prestataires de service de ces structures.
    Le Département de Lettres modernes de l’Université de Bourgogne tient à affirmer son attachement à la dimension scientifique disciplinaire des concours de recrutement du secondaire, et plus généralement à la dimension disciplinaire des formations universitaires. Conscient de sa responsabilité dans la réussite des étudiants, il s’interroge sur la place faite aux enseignants-chercheurs dans un dispositif qui lui semble à la fois inefficace et porteur d’une dégradation inacceptable de la qualité de la formation des enseignants. Il demande que soit ouverte une véritable concertation sur cette question, et que les enseignants-chercheurs y soient enfin réellement associés, à tous les niveaux. Il demande en outre que toutes les instances de l’université se saisissent de ces questions fondamentales pour l’avenir de notre système éducatif.

    Adoptée par 17 voix et une abstention à Dijon, le 14 février 2013


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