• -Le GRFDE double page dans "l'Humanité"

    -Le GRFDE double page dans "l'Humanité"

    Les suites encore de notre conférence de presse du 9 janvier, une double page dans l'Humanité du mercredi 16 janvier pour une interview par Laurent Mouloud de notre collègue Didier Frydman qui dresse un tableau assez complet des positions du GRFDE et de leur genèse.

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    Formation des profs « Le projet de Vincent Peillon est incohérent »

    La formation des enseignants est au cœur de la réforme de l’école, bientôt débattue à l’Assemblée. Mais, pour Didier Frydman, les mesures annoncées ne sont pas à la hauteur du défi. Le collectif dont il est membre défend un projet de meilleure qualité et accessible à plus d’étudiants.

    La remise sur pied d’une formation des enseignants, détruite sous le mandat de Nicolas Sarkozy, est l’un des enjeux majeurs du projet de loi sur la refondation de l’école que Vincent Peillon doit présenter le 23 janvier en Conseil des ministres. Le scénario retenu par le gouvernement s’appuie, notamment, sur la création d’« écoles supérieures du professorat et de l’éducation » et sur une nouvelle organisation des concours de recrutement, avancés d’un an par rapport à la réforme précédente. Des mesures qui risquent de ne pas suffire à améliorer profondément le métier d’enseignant, assure Didier Frydman, formateur à l’IUFM de Créteil et coanimateur du groupe Reconstruire la formation des enseignants (1). Ce collectif, rassemblant chercheurs, formateurs et professeurs, défend depuis plusieurs mois un autre projet jugé moins coûteux et plus ambitieux… Avis aux parlementaires !

    Dans quel état les gouvernements Sarkozy ont-ils laissé la formation des enseignants ?

    Didier Frydman. Un champ de ruines ! Leur politique a fait beaucoup de victimes et engendré beaucoup de souffrance. Les élèves figurent au premier rang des victimes. Des milliers d’entre eux sont confiés à de jeunes recrutés qui entrent dans la carrière dans les pires conditions, sans réelle formation. Les autres victimes sont les étudiants en master « métiers de l’enseignement ». Ils vivent deux années calamiteuses, obligés de concilier préparation du concours et préparation du master qui comporte une recherche et des stages, sans certitude d’entrer finalement dans le métier. Cette situation a détourné de nombreux étudiants de l’enseignement. On est maintenant face à une crise historique du recrutement (lire p. 13).

    Un point clé du projet ministériel consiste à placer les concours 
de recrutement à la fin de la première année de master (bac+4). Vous faites partie de ceux qui critiquent 
ce scénario. Que lui reprochez-vous ?

    Didier Frydman. Nous lui reprochons d’abord de réduire la formation professionnelle à la deuxième année du master (M2, bac+5), puisque la première année (M1, bac+4) sera consacrée à la préparation du concours. Or, que les épreuves soient disciplinaires ou à coloration professionnelle, le passage d’un concours est toujours un exercice de conformité. Il ne garantit nullement une formation d’enseignants capables de concevoir et d’interroger leur pratique. Nous lui reprochons aussi de créer un dispositif incohérent. Que deviendront, par exemple, les étudiants ayant validé leur M1 mais échoué au concours ? Peut-on leur refuser l’accès en M2 ? S’ils y sont admis, quel sens cela a-t-il de les former à une profession qu’ils n’exerceront peut-être pas ? Nous lui reprochons, enfin, d’ôter à ces masters toute dimension d’initiation à la recherche. Comment, en effet, se consacrer à une recherche en M1 quand on prépare un concours, ou en M2 quand on doit assurer un service d’enseignement à mi-temps ?

    Quel scénario défendez-vous ?

    Didier Frydman. Pour accroître la durée de la formation professionnelle, avancer le moment de la première rémunération et dissocier la préparation du diplôme de celle du concours, le GRFDE propose un concours sous condition de licence (bac+3). Il ne s’agit pas d’un concours de recrutement, mais d’un concours d’entrée en master comme élève professeur. Durant les deux années du master, les étudiants perçoivent une allocation d’étude mensuelle d’environ 1 250 euros. Leur recrutement n’intervient qu’à condition d’avoir obtenu le master. L’année suivante, ils effectuent leur première année d’exercice avec le statut de fonctionnaire stagiaire et ont un service allégé de 40 % pour continuer à se former. S’ils donnent satisfaction, ils sont titularisés au terme de cette année de stage. Pour les étudiants déjà titulaires d’un master recherche et pour les salariés qui se verraient 
reconnaître par validation des acquis de l’expérience (VAE) une équivalence de master, un concours spécifique permet d’entrer directement en M2.

    Vous insistez sur le fait que votre scénario assurerait une meilleure mixité sociale dans le recrutement des profs. En quoi est-ce crucial ?

    Didier Frydman. Au temps où le bac suffisait pour passer le concours, les études étaient ensuite rémunérées pendant trois années. Aujourd’hui, le premier salaire arrive à bac+6 ! Cela explique que de moins en moins d’enfants d’ouvriers ou d’employés s’engagent dans cette voie. C’est une mise en cause du pacte républicain, de l’égalité devant la culture et sa transmission. Le message qui est implicitement adressé aux élèves des milieux populaires est le suivant : la culture scientifique, littéraire et artistique, ce n’est pas pour vous ! C’est pour cela que le GRFDE juge nécessaire de mettre en place des prérecrutements à hauteur de 50 % des postes mis au concours. Il s’agit de bourses d’études d’environ 1 100 euros net par mois versés en deuxième et troisième année de licence (L2 et L3), que les étudiants issus des catégories sociales défavorisées pourraient obtenir sur concours. Ces prérecrutements ainsi qu’un concours organisé plus précocement permettent de sélectionner les meilleurs étudiants, toutes catégories sociales confondues, alors que, situé plus tard, il exclut d’emblée nombre d’étudiants d’origine modeste.

    Les «emplois d’avenir professeur» du gouvernement ne remplissent-ils pas ce rôle ?

    Didier Frydman. Ces emplois consistent à salarier ces étudiants en contrepartie d’un travail dans un établissement scolaire et ne leur permettront ni de poursuivre ni de réussir davantage leurs études. Nous, les bourses d’études que nous envisageons seraient versées sans contrepartie d’une telle mission. En revanche, les bénéficiaires s’engageraient à passer le concours, à suivre leurs études avec assiduité et à être au service de l’État durant plusieurs années.

    Votre scénario est-il compatible 
avec les contraintes budgétaires 
du gouvernement ?

    Didier Frydman. Tout à fait. Nos propositions ayant souvent été jugées irréalistes dans le contexte budgétaire actuel, nous avons décidé de chiffrer notre scénario et celui du gouvernement. Le résultat est édifiant. Notre scénario, même assorti de prérecrutements dès le début de L2, permet de former mieux et moins cher… La raison en est simple. Pour recruter 100 enseignants, le gouvernement doit en former 400 en M1 car, selon la Cour des comptes, les trois quarts des étudiants inscrits en master « métiers de l’enseignement » échouent au concours. Or, toujours selon la Cour des comptes, un étudiant en master coûte environ 11 000 euros. Dans notre scénario, pour recruter 100 enseignants, il faut en former 100, il n’y a 
quasiment pas de déperdition. Rapporté aux 20 000 postes que le ministère veut pourvoir en 2014, son dispositif coûte 1,75 milliard. Le nôtre ne dépasse pas 1,42 milliard et 1,55 milliard si on y ajoute des précrutements en L3. Et même si les prérecrutements interviennent dès L2, on est à 1,68 milliard, soit toujours moins cher que le gouvernement… Nos calculs montrent aussi que, de tous les scénarios, celui que Xavier Darcos a mis en place en 2009 est le plus coûteux, alors qu’il était censé réaliser d’importantes économies !

    Au-delà de la question du recrutement, comment imaginez-vous le contenu de la formation des futurs enseignants ?

    Didier Frydman. Le concours situé en fin de L3 et la formation de deux ans rémunérée libèrent les étudiants du concours et de l’obligation, pour certains, de se salarier. La formation, prise en charge par des équipes pluricatégorielles (universitaires, formateurs en temps partagé, praticiens formateurs, inspecteurs, etc.), permettrait d’assurer simultanément un haut niveau de maîtrise disciplinaire, une alternance progressive, une formation didactique et pédagogique en prise avec les stages, et une articulation étroite avec la recherche. Après l’obtention du master, un service allégé (environ 60 % du temps en classe et 40 % en formation) permettrait une entrée progressive dans le métier et une poursuite de la formation en alternance. Au-delà, il faut s’engager dans une politique ambitieuse de formation continue.

    Comment ont été accueillies 
vos propositions ?

    Didier Frydman. Le GRFDE a été entendu par la commission sénatoriale sur les prérecrutements. L’accueil a été très positif. Il a également été reçu par des membres des cabinets de Vincent Peillon et Geneviève Fioraso, fin décembre. Mais ils ont refusé d’écouter nos propositions car, pour eux, les arbitrages concernant la place du concours ont déjà été rendus. Étonnante façon de concevoir la concertation et le rôle des parlementaires…

    (1) http://grfde.eklablog.com/

    Entretien réalisé par 
Laurent Mouloud

     


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