• - Le continuum entre la formation initiale et la formation continue est absent des notes de cadrage

    Une tribune de Christian Alin, Professeur d'Université émérite en Sciences de l'éducation, IUFM-Lyon-1

    Je vous écoute dire et votre rhétorique, en termes assez forts, à mon âme s'explique – Molière Tartuffe – acte III-3

    La rhétorique aussi belle et séduisante soit-elle ne doit pas éteindre notre vigilance critique, surtout en cette période de refondation de l’école et de la formation des enseignants. Les notes de cadrage et les projets continuent à se construire sur le dépeçage du cadavre des ex-IUFM et la déprime de leurs personnels tous statuts confondus. Hormis la façade de leur présence institutionnelle dans les réunions, les personnels, l’expertise et l’expérience des ex-IUFM sont souvent mis hors-jeu. Mais surtout les fiches retours sur les projets ESPE démontrent explicitement ou implicitement la lutte de gouvernance et de pouvoir territorial et politique, impitoyable et sans concession, que se livrent les UFR bardées de leur puissance disciplinaire, les universités pour la gouvernance ultime des ESPE et le Rectorat, pour ne pas perdre une once de pouvoir relayé, lui, dans les réunions par ses personnels administratifs et pédagogiques (en particulier l’influence hiérarchique de l’inspection).

    Cette lutte de pouvoir, cette véritable guerre de gouvernance ouvrent inévitablement à la dispersion, à l’éclatement, au chacun pour soi ou au « c’est nous les plus sérieux, les plus scientifiques, les plus professionnels, les meilleurs », au détriment de l’autonomie et de l’unité, sinon de lieu, mais au moins et surtout d’appartenance et d’identité pour une structure universitaire et professionnelle, censée donner du sens à la formation et à la construction des premières compétences nécessaires aux étudiants désireux de se former et de se lancer dans les métiers de l’éducation. Pour le moins, on ne peut qu’être sceptique sur les coquilles vides et/ou strictement formelles, institutionnelles que les projets en cours nous proposent.

    Le continuum de développement universitaire et professionnel entre la formation initiale et continue est quasiment absent des notes de cadrages et rarement évoqué dans les projets. Ce qui est un non sens incompréhensible et probablement une opportunité que l’on va une fois de plus manquer, quand on sait qu’un tel continuum est reconnu comme indispensable par tous les travaux de recherches, rapports institutionnels et d’expertises de tous sortes. Un tel continuum est reconnu comme primordial, porteur d’unité et de dynamique en matière de développement universitaire et professionnel ente la licence et des UE préprofessionnelles, les années de master proprement dit, les première années de responsabilité professionnelle et la formation continue tout au long de la vie professionnelle. Pourtant, la formation continue des personnels, les moyens et les dispositifs qu’elle nécessite, à quelques exceptions près, sont quasiment absents des notes de cadrage et des projets proposés.

    Enfin cette « alternance intégrée », si souvent mise en avant et reconnue pour échapper à la fameuse séparation « théorie/pratique », apparaît comme morte et hors-jeu avant même sa mise en place. L’évolution des diverses notes de cadrage et les projets remontant des universités et des rectorats (moyens, dispositifs d’accompagnement, remplacements, formation continue des tuteurs et/ou praticiens-formateurs, statuts) marquent le retour d’une « alternance juxtaposée », telle qu’on la connue du temps des CPR.

    La vigilance critique appelle la lucidité. Il faut bien reconnaître qu’en ces jours d’avril 2013 et d’un printemps qui tarde à venir, c’est à désespérer de l’intelligence humaine et/ou du souci de l’intérêt collectif pour des questions aussi importantes que celles qui sont liées à l’éducation et à l’instruction des générations d’un pays et à la formation des personnels. Même si, dans un autre texte1, j’ai rappelé la phrase d’Antonio Gramsci, « Le pessimisme de la connaissance n'empêche pas l'optimisme de la volonté », tout en demandant à chacun, particulièrement dans cette période de crise politique, économique, écologique et quelle que soit sa place et sa fonction, de participer à une éducation au courage2.

    14 Avril 2013 

    1 http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2013/03/19032013Article634992734396247197.aspx

    http://grfde.eklablog.com/plaidoyer-de-christian-alin-pour-une-oubliee-la-formation-continue-des-a80493318 -

    2 Fleury C. 2011, La fin du courage, Fayard, Paris.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :