• - Enseigner : Un métier qui s'apprend (2/3)

    Enseigner :  Un métier qui s'apprend

    Formateurs, universitaires, signez le texte du GRFDE ! En communiquant vos noms et qualités dans la rubrique "votre commentaire" en bas de page ou en vous adressant à didier.frydman@free.fr  .

    1. Nous voulons une formation professionnelle de qualité pour tous les enseignants (premier et second degré, CPE, documentalistes …). C’est l’une des principales conditions pour réaliser l’école démocratique que nous voulons.

    2. Cette formation répond à une mission commune, mais elle doit nécessairement se concevoir et s’organiser en tenant compte des exigences particulières des différents degrés et dispositifs d’enseignement (PE, PLC, PLP, CPE …).

    3. La formation professionnelle initiale et continue des enseignants doit s’adosser à la recherche disciplinaire et en éducation. La formation professionnelle doit être fondée sur de solides connaissances disciplinaires, elles-mêmes en prise avec l’avancée de la recherche dans les disciplines concernées. Dominer une « culture disciplinaire » suppose de bien connaître les difficultés que représentent la compréhension de tel concept, l’apprentissage de tel savoir-faire, l’appropriation de telle œuvre ou les conditions d’élaboration et de production des savoirs. Les connaissances indispensables à l’enseignant ne peuvent donc se limiter aux seuls contenus dits « académiques », elles comportent également l’épistémologie et l’histoire des disciplines scolaires et de leurs méthodes, la connaissance de leurs élaborations scientifiques et didactiques, la connaissance des processus d’apprentissage des élèves, la familiarité avec les enjeux culturels, sociaux, éthiques, politiques et pédagogiques de leur enseignement, etc. Nous n’opposons pas, ni ne séparons formation académique, initiation à la recherche, formation didactique et formation aux sciences humaines et sociales.

    En outre, la formation initiale comprend obligatoirement des modules (cours et stages) sur des dispositifs particuliers (Adaptation scolaire et Scolarisation des élèves en situation de Handicap), sur des contextes particuliers (Éducation Prioritaire) et sur la coopération éducative.

    4. La recherche en éducation, enseignement et formation demeure sous la responsabilité des universités et de leurs laboratoires ainsi que des organismes de recherche spécialisés dans le champ de l’éducation. L'État l'encourage et la favorise par des moyens budgétaires conséquents et soutient des programmes de recherche avec des équipes de chercheurs volontaires. Les recherches collaboratives (ou recherches-action) ainsi que les innovations et les recherches-formation entre chercheurs et enseignants doivent être développées. De nouveaux dispositifs doivent être proposés (formation à mi-temps, année sabbatique, décharge-horaire pour thèse …) pour assurer ce lien des enseignants et formateurs avec la recherche. La poursuite d’études en doctorat pour les enseignants qui le souhaitent doit être encouragée.

    5. Pour favoriser le développement de ces recherches, l’Institut Français de l’éducation est transformé en un grand Institut national de la recherche en éducation qui soutient la recherche universitaire en éducation et grâce auquel les laboratoires universitaires trouvent les moyens de développer leurs échanges, de diffuser leurs travaux, de coordonner leurs recherches et de mutualiser leurs ressources. Cet organisme universitaire favorise la diffusion et la discussion des résultats de la recherche nationale et internationale.

    6. La formation professionnelle ne s’arrête pas à l’issue de la formation initiale. Plus que beaucoup d’autres, le métier d’enseignant exige une formation continue qui doit permettre aux enseignants de réactualiser leurs connaissances, d’être acteurs dans les évolutions du système éducatif, de se perfectionner professionnellement et individuellement. Le GRFDE estime que la formation est un droit comme un devoir, c’est pourquoi, lorsqu’ils sont en formation continue, les enseignants doivent être remplacés. Les propositions de formation doivent correspondre aux exigences d’un métier de conception et non d’application et garantir a minima une semaine de formation par an à chaque enseignant. Dans le cadre de plans annuels voire pluriannuels de formation continue, les institutions en charge de la formation (voir plus loin) coopèrent avec les services déconcentrés de l’éducation nationale pour proposer une carte des formations.

     La formation des enseignants est un des principaux leviers d’une politique de scolarisation de tous les élèves. C’est pourquoi un complément d’une année de formation minimum, en alternance, est proposé aux enseignants titulaires du premier et second degré qui souhaitent se spécialiser dans l’aide aux élèves en grande difficulté scolaire et dans l’inclusion des élèves en situation de handicap. Cette année d’étude est diplômante.

    7. Dans la dynamique de formation professionnelle, nous n’opposons pas non plus ni ne séparons formation disciplinaire et formation pratique. Loin de nuire à la maîtrise des disciplines, de premières expériences d’enseignement, à condition d’être réfléchies et analysées à la lumière des enjeux disciplinaires, des connaissances en épistémologie, en psychologie, en histoire des pratiques d’enseignement, en didactique, en pédagogie en sont un élément structurant. D’où la nécessité, au bénéfice de la formation disciplinaire et de la formation pratique, d’inscrire d’emblée le processus de formation professionnelle dans des formes d’alternance. Le modèle successif (d’abord la formation disciplinaire, ensuite la formation pratique) interdit ces interactions fécondes.

    8. Les formes d’alternance proposées doivent être progressives, depuis les premières années de licence, avec la préprofessionnalisation, jusqu’à l’entrée dans le métier. Cette progressivité concerne la fréquence des stages, leur durée et leur nature (observation, pratique accompagnée, responsabilité). Elle concerne aussi les objectifs de la transmission de gestes professionnels et de l’appropriation des postures de l’enseignant. Elle concerne également l’appropriation des conceptions didactiques et pédagogiques et des outils théoriques d’analyse des situations d’enseignement.

    9. Cette formation en alternance ne peut consister en une simple juxtaposition de stages pratiques et de cours sur la discipline ou sur le métier. L’idée selon laquelle la pratique s’approprie sur le terrain et la théorie s’apprend dans les livres ou au centre de formation est naïve et fausse. Il faut s’approcher du mieux possible d’une alternance « interactive ». Les expériences et les essais en classe, les stages d’observation, de « pratique accompagnée » ou en responsabilité doivent être préparés puis analysés et exploités en relation avec les enjeux de l’école : éduquer et instruire. Pour les mêmes raisons, il convient de privilégier l’organisation des stages en quatre phases : « préparation-action-analyse-action ».

    10. La formation ne doit pas obéir à une conception officielle de la didactique ou de la pédagogie. Loin de tout dogmatisme, elle est ouverte à des apports différents, pourvu qu’ils respectent les valeurs républicaines et la dignité de la personne humaine. Cette formation favorise le débat professionnel, elle incite à la compréhension critique des enjeux et à la réflexion personnelle en relation avec l’expérience pratique.

    11. La formation professionnelle doit être constamment encadrée par des équipes de formateurs pluri-catégorielles, impliquées à la fois dans la formation initiale, dans la formation continue et la recherche : praticiens-formateurs et enseignants-chercheurs dans les disciplines scolaires, leurs didactiques et les disciplines transversales (philosophie, psychologie, sociologie …). Des temps de concertation réguliers entre ces formateurs sont indispensables pour concevoir les stages, leur préparation, les temps d’analyses et leur évaluation. Les rôles des uns et des autres doivent être clairement définis mais les enseignants-chercheurs doivent pouvoir fréquemment observer les élèves en classe et dans les établissements scolaires et y accompagner les étudiants et stagiaires. Réciproquement, les praticiens-formateurs doivent pouvoir participer à l’ensemble de la formation professionnelle. Pour chaque étudiant et stagiaire, l’évaluation de la formation professionnelle repose sur le regard croisé de ces formateurs.

    12. La formation professionnelle est une construction sociale. Comme elle doit viser l’appropriation critique et personnelle d’une culture professionnelle et que celle-ci ne se réalise que dans les interactions sociales, le travail auprès d’un tuteur ­— auquel la droite a voulu réduire le compagnonnage — ne saurait suffire. Les étudiants et stagiaires doivent pouvoir échanger sur leurs premières expériences d’enseignants et construire leur identité professionnelle dans des collectifs de pairs encadrés par leurs formateurs et non seulement dans une relation purement individuelle stagiaire-tuteur. Pour former les stagiaires à une pratique collective du métier d’enseignant, des travaux en équipe leur seront proposés lors de leur formation. C’est un des enjeux d’une structure de formation. Les enseignants doivent sortir de l’isolement, les collectifs de travail en formation initiale et continue sont une clé pour redynamiser le système éducatif dans son entier.

    13. La formation professionnelle initiale doit donner une place importante aux écrits professionnels individuels ou collectifs : compte-rendu de stage, mémoire professionnel, mémoire de recherche, monographie, site et journal pédagogiques, etc. Cela conditionne la réflexivité, le lien avec la recherche, la transmissibilité des analyses et la prise de conscience des progrès personnels.

    14. Les mouvements pédagogiques, dans leur diversité, doivent être considérés comme des partenaires de la formation.

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  • Commentaires

    4
    Agnès Giraud
    Lundi 1er Juillet 2013 à 23:59

    Sans doute un peu tard, je signe !

    Agnès Giraud - Formatrice Français (PE) - IUFM de Poitou-Charentes / Université de Poitiers

    3
    Romian Hélène
    Vendredi 19 Octobre 2012 à 13:55
    1. La question du statut et des missions de l'INRE mériterait d'être posée et discutée en fonction des besoins de la formation des enseignants mais pas seulement. Si la mission de soutien aux recherches universitaitres est essentielle, celle-ci prend tout son sens par l'appui sur des recherches propres à l'institut, recherches d'intérêt national répondant aux besoins sociaux et aux problèmes du système éducatif : évolution des cursus et des contenus d'enseignement (programmes ...), organisation de la vie des établissements, conceptions et évolution de la formation des personnels de l'Education nationale, dispositifs d'aide aux élèves handicapés ou en difficulté, prospective, etc ... 
    2. Se posent donc entre autres les problèmes du statut et des relations de l'INRE avec le Ministère de l'Education nationale, de son indépendance scientifique par rapport à celui-ci (voir l'INSERM, l'INRA ...). 
    3. Outre les missions de recensement et de diffusion des recherches dans le système éducatif, de contribution au débat scientifique, seraient à envisager notamment  une mission de contribution à la formation des formateurs de personnels de l'EN, une mission de conservation, de mise en mémoire, d'histoire des recherches en Education, une mission de valorisation, de vulgarisation des recherches auprès de la communauté pédagogique, et plus largement (parents, élus ..), et autres ...
    4. Serait à interroger l'expérience des organismes nationaux français (IPN, INRDP, INRP ...) et étrangers de recherche en Education. 

    Dois-je préciser ma qualité de chercheure (retraitée), dans les trois Instituts cités ci-dessus ?

     

    2
    coline11
    Mardi 9 Octobre 2012 à 12:51

    j'ajouterais

    • un apprentissage de la gestion des tensions en soi, par un entrainement quotidien à la respiration, à la centration ; discipline à ajouter partout d'ailleurs pour les élèves, les enseignants etc
    • travailler la relation avec les parents : ça se travaille de garder son calme, son sang-froid, son intelligence, sa vivacité d'esprit
    • de la coopération entre enseignants, entre adultes de l'équipe éducative
    • une formation sur les systèmes éducatifs étrangers et notamment francophones tellement ils sont en avance sur nos cadres disciplinaires
    • des stages bcp plus fréquents de création plastique, littéraire pour que nous sentions tous notre capacité créatrice
    • l'organisation de débats de société
    • des voyages dans les pays pauvres et 6 mois dans un pays dont on veut enseigner la langue
    • une formation sur le système politique de notre pays : les ministres, le parlement, les régions, les impôts
    • un stage par an dans une entreprise : magasin, usine, ferme pour savoir de quoi on parle et dans quel monde on vit
    • des moments où il est possible de dire aux formateurs ce qui va et ne va pas (bcp de prof d'iufm était au bout du rouleau et n'avait plus envie)
    • la possibilité de changer de métier

    merci de m'avoir lue

     

     

     

     

    1
    Gérard SAEZ
    Lundi 24 Septembre 2012 à 13:10

    J'approuve l'essentiel des principes mis en avant mais je déplore l'absence d'une dimension de la formation (qui, je le sais, fait débat ; personnellement, je la défends depuis 10 ans en tant que formateur IUFM) : la construction de l'identité professionnelle "sur" l'identité personnelle. Il s'agit aussi de former des personnes ! Si la dimension sociale de la formation a bien été repérée, elle ne doit pas se limiter à ce qui est en quelque sorte extérieur à l'individu. Les savoirs, les contenus, et même les intercations sont portés, vécus par ces individus, et il me paraît nécessaire de montrer (et d'aider à percevoir, concevoir et si possible savoir gérer) selon quels principes déontologiques les actes d'enseignement devraient être abordés. Sinon, tout cela risque de manquer de "chair".

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