• La refondation de l’école – Plaidoyer pour une oubliée : la formation continue des personnels
    Christian Alin, Professeur d’université émérite en Sciences de l’éducation – UCBL Lyon1
    CRIS EA 647

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    Le projet de refondation de l’école de Vincent Peillon ; un projet de loi attendu et une
    bouffée d’oxygène ! Mais…
    Dans son intervention au Parlement du 10 Mars, Le ministre a rappelé « les trois fondements » de sa réforme : la priorité au primaire, la formation des enseignants et la réforme des rythmes scolaires. Vincent Peillon estime que « les moyens supplémentaires pour l'école étaient nécessaires car ils vont permettre notamment d'augmenter les taux d'encadrement, de recruter des remplaçants, de scolariser les enfants de moins de trois ans et de remettre une formation des enseignants ». « Il ne faut pas bouder notre plaisir », souligne Ph. Meirieu (1), ce projet de loi « constitue une vraie bouffée d’oxygène pour un système au bord de l’asphyxie. Voilà qu’on ose reparler de « pédagogie », qu’on inscrit « le contenu des enseignements et la progressivité des apprentissages au coeur de l’école », qu’on propose une définition du « socle » qui inclut une dimension culturelle et dont on peut espérer qu’elle nous permettra de sortir de la vision étriquée et étroitement techniciste qui prévalait jusque là. Voilà qu’on instaure un « parcours d’éducation artistique et culturelle tout au long de la scolarité ». Voilà qu’on reconnaît la spécificité de l’école maternelle en soulignant qu’elle n’est pas une simple préparation technique au Cours préparatoire, mais ce que j’appelle une véritable « école première »1. Voilà qu’on affiche la priorité au primaire, en s’engageant à rééquilibrer les moyens en faveur de ceux qui en ont le plus besoin... et voilà même qu’on évoque la possibilité de disposer de « plus de maîtres que de classes » pour pouvoir « travailler autrement ». Voilà qu’on s’achemine vers un rééquilibrage de la semaine scolaire, dramatiquement réduite à quatre jours de classe. Voilà, enfin, qu’on remet en chantier la formation initiale des enseignants et qu’on annonce la création de 60 000 emplois dans l’enseignement sur la durée de la législature ! Autant de raisons de se réjouir... »

    Pour autant, Philippe Meirieu souligne à juste titre qu’ « à regarder les choses de plus près et  tout en reconnaissant l’importance de ces avancées, la démarche de « refondation /  concertation / loi d’orientation » ne répond pas encore à l’immense espérance qu’elle a  suscitée. Globalement, le projet de loi qui nous est proposé aujourd’hui n’est pas à la hauteur  des besoins éducatifs de notre société... » Il rappelle que la formation continue est « le coeur  du réacteur » de l’évolution de l’école et qu’aujourd’hui le gouvernement actuel, « ne prend  aucune disposition particulière pour la formation continue ! C’est un oubli préoccupant : les  ESPE (2) formeront 30 000 enseignants par an tout au plus, alors que c’est près d’un million  d’enseignants et de personnels en activité qui doivent avoir droit à une formation continue de  qualité ! D’autant plus qu’on sait aujourd’hui la plus-value indiscutable de cette formation dès  lors qu’elle s’effectue en lien avec les problèmes professionnels rencontrés au cours de la  carrière. Et l’on peut s’étonner que l’État qui a mis en place le « droit individuel à la  formation » ainsi que le « crédit individuel de formation » - dispositifs certes insuffisants mais  qui ont le mérite d’exister - ne les mette pas en oeuvre de manière plus systématique et  volontariste pour ses propres fonctionnaires, et ne les utilise pas pour des actions de formation proprement pédagogiques... Notons encore, les conclusions du Conseil sur le perfectionnement professionnel des enseignants et des chefs d’établissement à propos de la formation continue « aucune formation initiale au métier d’enseignant, aussi excellente soit elle, ne peut doter les enseignants de toutes les compétences dont ils auront besoin au cours de leur carrière. » (3)

    La formation continue une arlésienne et/ou une délaissée permanente.
    On en parle, on l’appelle avec de bonnes intentions. Le projet de loi, une fois de  plus l’inscrit dans ses énoncés (article L 721.2) mais force est de constater que  ses missions et ses moyens restent dans un grand flou. Selon l’OCDE, la formation  continue est définie comme «l’ensemble des activités qui développent les compétences, les  connaissances et l’expertise d’un individu, sous forme de cours, conférences, ateliers,  séminaires, programmes de qualification, observation de visite d’écoles, participation à des  réseaux d’échange d’expériences, échanges entre pairs, recherche individuelle ou  collaborative...». La formation professionnelle continue est considérée comme une obligation  professionnelle pour les enseignants dans plus de 20 pays et régions d’Europe. Toutefois, le  concept d’obligation professionnelle n’implique pas nécessairement que les enseignants  soient explicitement tenus d’y participer. En France, aux Pays-Bas, en Suède, en Islande et en  Norvège, par exemple, la formation professionnelle continue constitue une obligation  professionnelle mais, dans la pratique, la participation est facultative. (4) Au final, si la  formation professionnelle continue est un des axes d’action retenus par la Commission  Européenne dans l’agenda de Lisbonne, en revanche, un état des lieux dans les pays  européens sur les vingt dernières années fait apparaître une réduction des efforts dans cette  direction5.

    Déjà en 1981 De Peretti (6) écrivait « l’effort total accompli représenterait pour les   dépenses constatées en 1980, 1,50% de la masse salariale (chiffre sans doute   optimiste), soit un peu plus que ce qui est exigé actuellement en raison de la loi   de juillet 1971 (dont on sait, toutefois, qu’elle prévoyait la croissance de ce   pourcentage à 2%), mais par ailleurs beaucoup moins que le pourcentage affecté   actuellement par de grandes organisations à une action du même ordre (6,18% à EDF – 6, 10% Chez IBM – 4, 36% à la Banque de France – 3, 5% à Elf-Aquitaine et 2% Chez Renaud. Même si les crédits de ces organismes n’ont pas à prendre   en compte les frais de remplacements des personnels dont le poids est important   pour l’Education nationale (surtout pour le 1er degré), force est de constater   qu’en 2013 le budget alloué pour la formation continue est toujours n’a guère   progresser alors que celui de l’EDF, par exemple est passé à 7%. Ainsi, Christian Page, responsable du pôle formation professionnelle d’EDF déclare : « Le renouvellement des générations induit de nouveaux besoins : « En 2007, nous y avons consacré 6,4 % de notre masse salariale, ce qui correspond à un budget de 275 millions d’euros. Pour la France, nos 100 000 salariés suivent en moyenne quarante heures de formation chaque année. En 2007, 85 % d’entre eux ont effectué au moins un stage. 72% des programmes concernent directement les formations métiers. Les nouveaux enjeux auxquels nous sommes confrontés nous ont incité à engager une réflexion sur la manière de faire évoluer les actions de formation proposées à nos collaborateurs. » En 2011, 76% des salariés ont suivi une formation, ce qui représente 7% de la masse salariale. Un chiffre bien au-delà de l'obligation légale et des efforts consentis par les autres entreprises. Au total : plusieurs millions d'heures de formation dispensées chaque année, que ce soit dans le cadre du développement des compétences, de l'évolution de l'emploi ou de l'adaptation au poste de travail.
    Enseigner est certes un métier qui s’apprend et qui doit bénéficier d’une formation initiale universitaire et professionnelle de haut niveau mais c’est aussi un métier qui doit continuer à s’apprendre. « Les exigences imposées aux enseignants évoluent rapidement, rendant ainsi nécessaire l’élaboration de nouvelles approches. Pour être des enseignants pleinement efficaces, capables de s’adapter aux besoins en constante évolution des apprenants, dans un monde qui connaît de rapides mutations sociales, culturelles, économiques et technologiques, les enseignants eux-mêmes doivent se pencher sur leurs propres exigences en matière d’éducation et de formation dans le cadre de leur environnement scolaire particulier, et assumer davantage la responsabilité de leur propre formation tout au long de la vie, afin d’actualiser et de développer leurs connaissances et compétences. » (7)
    Savary, De Peretti, revenez vite c’est urgent !
    Malgré vos formidables et pertinentes recommandations et 30 ans après, la formation continue des enseignants, des cadres administratifs et pédagogiques, des formateurs et conseillers pédagogiques est toujours, en état de coma profond.

    Seule période de notre longue histoire de l’enseignement pendant laquelle elle a pu ouvrir les yeux, suite au rapport demandé en 1981 par le ministre Alain Savary à la satisfaction du monde de l’éducation et de la formation, le temps oublié et valeureux et plein d’innovation des MAFPEN. Relisez le rapport d’André De Peretti et vous constaterez en premier lieu que ses propositions en matière de formation initiale anticipent une formation universitaire et professionnelle à bac +5, animée par un établissement universitaire professionnalisant. Toutes les problématiques de l’éducation et de la formation et au coeur desquelles est défendue, prônée une formation en alternance intégrative portée par la recherche en Education et en Sciences de l’éducation et en lien étroit avec des professionnels et des formateurs de terrain, y sont déjà présentes. Autrement dit, dés 1982 ce rapport proposait déjà des ESPE. En revanche, il écrit p188 : « La formation initiale dans tous les domaines – et quelles que soient les transformations réalisées- ne peut suffire si elle n’est pas prolongée avec vigueur par la formation continue. »

    Rappelons les principales propositions du rapport (9)
    1- Il importe d’organiser avec rigueur des actions de formation continue qui puissent toucher chaque année la plus grande partie des effectifs par des actions directes et indirectes méthodiquement préparées et cohérentes.
    2- Il convient au niveau financier, de porter dans un temps bref les crédits de formation continue à un montant atteignant au moins 3% de la masse salariale en prévoyant une montée ultérieur à 5%.
    3- Ces perspectives appellent comme condition
    a. L’annonce solennelle du droit à 2 semaines/année de formation continue sur le temps de service.
    b. La prise de disposition en faveur des personnels qui n’auraient pas pu bénéficier du droit légitime à une formation continue correspondant à leurs fonctions au moment de leur prise de service.
    c. Soutenir et solliciter toutes les actions de formation continue hors temps de service comme celles qu’organisent les universités ou les mouvements associatifs(10).
    d. En vue d’assurer l’organisation technique d’actions de formation solidement préparée, il est indispensable de mettre un réseau qui relie étroitement tous les moyens en chercheurs et en formateurs,
    ainsi que toutes les logistiques qui existent aux plans local et régional (universités, associations de spécialistes, mouvements pédagogiques, CRDP et CDDP, corps d’inspection, Ecoles normales,
    Centre de formation de PEGC, équipe académiques de la vies scolaire, CASFA, CAFOC, ainsi que des établissements relevant d’autres autorités, etc..
    e. Enfin, le rapport précise qu’une telle ambition doit s’accompagner de moyens propres de remplacement. Il en souligne les difficultés quant à la charge économique mais propose aussi des solutions pouvant diminuer le coût supplémentaire. (emploi du temps souple, formation sur établissement, formation de secteur et/ou de territoire, Universités d’été) (11)
    Formidable vision que ce rapport, tout est dit ! Depuis 1982, tout est déjà dit et la problématique proposée reste d’une formidable actualité et pertinence. Mais encore, il poursuit : « L’organisation d’un tel réseau s’inscrit dans la politique de régionalisation du gouvernement. Elle suppose, en vue d’assurer la régulation scientifique et méthodologique des actions, un centre régional suffisamment étoffé ayant pour directeur ou président un professeur des universités. Cette proposition donnera feu les MAFPEN, Mission Académique de Formation de Personnels de Education Nationale. Autrement dit, les missions dévolues en 2013 au ESPE ne font que reprendre les problématiques d’un rapport qui date, je le rappelle, de 1982.

    Alors, comment comprendre un tel état de fait ? Comment se fait-il que 30 ans après les discours des chercheurs, des experts et des enseignants lambda s’accordent sur la pertinence des problématiques évoquées par ce rapport et que rien n’est bougé. Une telle situation, au-delà même des politiqués économiques malthusiennes (à droite comme à gauche) qui ont freiné et drastiquement réduit la formation continue des personnels d l’éducation nationale est-elle condamnée qu’à n’être que la courroie de transmission des prescriptions programmatiques de la hiérarchie (12) ? Est-elle condamnée à continuer en ne jamais pendre en compte les besoins et les difficultés individuelles et/ou collectives, locales et/ou génériques, voire de souffrance du travail didactique et pédagogique des personnels au quotidien ? Urgence aussi à prendre en compte les nouveaux enjeux sociétaux qui se sont révélés depuis. (Inter-culturalité, citoyenneté, laïcité, problématique de genre, inclusion des enfants à besoins particuliers, handicap, violence, éducation à la santé, éducation au développement durable, problématique écologique et bien sur l’échec dit « scolaire ».
    Alors, permettez moi de plaider…
    - Pour la reconnaissance professionnelle du métier d’enseignant

    o Considérer le métier d’enseignant comme un métier de professionnel exigeant certes une formation initiale mais aussi une formation continue universitaire et professionnelle de haut niveau.
    o Créer des conditions de travail temporelles, matérielles et financières permettant aux enseignants d’exercer pleinement leur métier à la fois, comme acteur responsable et comme membre actif d’une équipe pédagogique d’un projet d’établissement.
    o Faire des propositions en matière de carrière professionnelle qui tiennent compte à la fois des aspirations individuelles, des nécessités politiques d’un service public et de leur effort pour se former et innover par des VAE et/ou des formations diplômantes.
    - Pour une formation universitaire professionnelle
    o Créer les conditions politiques, organisationnelles et pédagogiques d’une formation initiale et continue d’adulte, en alternance, universitaire, professionnelle. Tel est l’enjeu que des futurs ESPE doivent réussir.
    - Pour une articulation Recherche-Formation- Innovation

    o Promouvoir, à côté des recherches classiques en éducation (pédagogie, didactique des disciplines, sociologie, histoire) des recherches sur l’intervention en éducation et notamment sur la didactique professionnelle et la culture professionnelle des enseignants et des formateurs grâce et par la création des futurs ESPE qui puissent reprendre et faire exister l’esprit du rapport De Peretti
    o Promouvoir des recherches anthropologiques et sociétales sur des thématiques telles que (le genre, la mixité sociale, le multiculturalisme, la diversité linguistique, le langage du corps, les enjeux de communication etc.)
    o Promouvoir des recherches locales régionales, nationales, européennes, mondiales qui lient l’économique, l’écologie et le sociétal.
    o Promouvoir des innovations pédagogiques 13 et permettre à des équipes volontaires d’être suivies et accompagnées par la recherche
    - Pour une démocratisation et une autonomisation de la formation continue

    o Affirmer la primauté du service public sur le service privé en termes de finalités d’objectifs et de budget.
    o Faire jouer pleinement la décentralisation (collectivités régionales, locales) et la démocratie participative des citoyens (sous différentes formes : association, consultations, réunions) pour développer les relations entre l’école et l’environnement périscolaire, sans que pour autant l’Etat ne se défausse totalement de ses obligations de cadrage national, notamment en matière de garantie du service public, en matière de gestion des inégalités territoriales et en matière budgétaire.
    o Favoriser au quotidien l’autonomie des établissements et la dynamique d’une démocratie participative et citoyenne de tous leurs acteurs : chefs d’établissement personnels administratifs, enseignants, élèves, ATOSS, documentalistes, conseillers d’orientation, infirmière, mais aussi, parents, associations, Education populaire, élus politiques.
    o Soutenir les initiatives d’échanges et de mutualisation des savoirs (14) : université populaire, réseaux d’échanges de savoirs ; lieux populaires d’éducation et de culture ouverts.

    Mais permettez-moi aussi de craindre …
    Permettez-moi de craindre les jeux de territoires et de défenses corporatistes qui se profilent dans cette période critique de la refondation de l’école et de la formation des enseignants au détriment des défis qui se posent à l’éducation et à la formation du 21e siècle
    Les différents discours de défense des acquis face à la disparition des IUFM et à la création des ESPE et de leur mission à venir qu’ils proviennent de la CPU, de la CD IUFM, de la plupart des associations de spécialistes ou de syndicats, tous s’accordent sur
    - l’affirmation que le métier d’enseignant est un métier qui s’apprend non seulement par une formation initiale mais aussi par une vraie formation continue
    - la nécessité d’une formation universitaire et professionnelle de niveau Master 2 et de haut niveau sachant articuler une excellence des savoirs académiques, une formation professionnelle en alternance avec un dispositif d’accompagnement de professionnels et de conseillers formés à cette compétence
    - La nécessite de la recherche en éducation et de la formation par la recherche des étudiants afin de les sensibiliser et de les former à l’innovation et aux expérimentations pédagogiques. Pour autant en dehors des problèmes techniques mais très importants (place des concours, structures des maquettes) et actuellement en discussion, de nombreuses divergences et/ou obstacles agitent les débats. Chacun cherche à servir et à défendre en priorité son pré-carré.
    Du côté de l’université et de ses enseignants
    - Les disciplines académiques ont peur que leur importance, leur influence et leur place dans une maquette de Master qui intègre du professionnel diminuent. Il faut savoir que peu de disciplines intègrent la formation professionnelle dans leur concours. Certaines comme l’histoire et la géographie n’ont pas d’épreuves professionnelles dans leurs concours actuels de recrutement.
    - Les enseignant universitaires des disciplines académiques et leur UFR considèrent comme une aubaine la possibilité de recruter des étudiants Masters se destinant au métier de l’enseignement pour contrebalancer la diminution de leurs effectifs. En revanche ils ne sont pas prêts de changer en profondeur leurs cours et leur modalité d’intervention, tout au plus à concéder une UE de préparation aux concours.
    - Les présidents d’université vont-ils laisser les missions des futurs ESPE être dépecées par les UFR et par les disciplines ou bien vont-ils au contraire tenter de faire en sorte que les personnels des ex-écoles internes
    (IUFM) puissent jouer leur rôle de coordination et de cohérence. Vont-ils mieux encore tenter de créer une véritable faculté d’Education, de Chronique sociale formation et de recherche, rassemblant tous les potentiels et toutes les compétences de l’université dans une structure unique et nouvelle ?
    Du côté des futurs ex-IUFM et de ses enseignants
    Sans conteste les IUFM n’ont pas réussi cette ambition de culture commune et de partage qui avait été déposée au berceau de leur création. Il faut se rendre à l’évidence, sauf dans de très rares endroits et dans de très rares moments entre les anciens, les formateurs de feu l’école normale, les nouveaux formateurs
    permanents ou associés et les universitaires la mayonnaise d’une formation universitaire et professionnelle, comme l’incitait le sigle IUFM lui-même, n’a pas pris. Pire la crise actuelle du changement à la hussarde qu’ils vivent a accentué les divisons et la défiance entre les trois communautés.
    Les PEIMF redoutent la mise totale de leur intervention sous l’autorité statutaire du seul rectorat et l’abandon de l’autorité et la liberté pédagogique que leur procurait les IUFM.
    L’intégration universitaire et le niveau Master pour les futurs professeurs requis met en particulier les formateurs permanents dans une mise en doute profonde de leur expertise, leur compétence, leur reconnaissance professionnelle ; c’est une véritable crise d’identité avec l’inquiétude et une méfiance encore plus grande vis-à-vis des universitaires et de leur statut.
    Enfin les universitaires eux-mêmes ont une place à se faire parmi les autres universitaires qui les ont souvent considérés comme des universitaires de deuxième division pour employer une métaphore sportive.
    Du côté de l’inspection
    Dans un pays jacobin comme la France, la volonté de garder, à tout prix, le pouvoir de l’emprise disciplinaire et de la pression hiérarchique sur la formation des enseignants n’est jamais loin. Face à la réalité et à la complexité du métier, cette posture classique et traditionnelle risque de mettre en péril, non seulement toute collaboration interdisciplinaire mais aussi la marge de liberté, d’autoformation qu’avaient, en son temps, organiser les MAFPEN. Redonner à la seule inspection le monopole de la formation des enseignants et des personnels serait à notre avis une erreur et une faute face au principe de démocratisation, de délocalisation et de subsidiarité que le rapport De Peretti avait posé comme décisif pour entrainer les enseignants et les personnels à se former.
    Du côté des syndicats
    Selon leur fondement, soit académique, soit inter-catégoriel, soit statutaire, leur
    positon varie :
    - du refus pur et simple de la mastérisation, avec le maintien en l’état des structures, des établissements et des dispositifs actuels (politique d’aménagement du territoire) à son acceptation avec l’exigence d’une professionnalisation et d’une formation par alternance de qualité
    - l’obligation de garanties solides pour le financement et le suivi des études des étudiants
    Du côté des principes en cours dans les discours et les projets
    a. Sortir la formation des maîtres de son cadre traditionnel strictement attaché à une discipline pour définir une formation à des compétences communes et/ou spécifiques qui forment à un métier et prépare à une mission. L’une d’entre elles est la maîtrise des savoirs disciplinaires, les autres englobent la totalité des missions de l’enseignant : agir de façon éthique et responsable ; gérer la classe ; prendre en compte la diversité des élèves, travailler en équipe et coopérer avec les partenaires etc. Sauf que dans la réalité une telle formation ne peut vraiment se mettre en place que si on reconnaît à ce métier et à cette mission une qualification professionnelle de haut niveau accompagnée de l’autonomie, la confiance, la marge d’autorisation et d’action que doit posséder tout cadre A15. En outre, Le mémoire professionnel, pour être un véritable mémoire universitaire de niveau Master devra se réaliser dans des conditions de séminaire articulé à la recherche avec des objets d’études académiques ou professionnels qui relèvent bien des problématiques de l’intervention en éducation et/ou en formation. Force est de constater que beaucoup d’enseignant-chercheurs des universités, voire mêmes parfois officiant en IUFM n’y sont pas prêts.
    Étaler la formation des maîtres aussi bien en amont du concours (par une formation universitaire préprofessionnelle) qu’en aval par une formation continue prolongeant la formation initiale et dont l’animation devrait se répartir entre l’IUFM (institutionnellement intégré ou non à l’université) et les instances académiques du Rectorat.
    Sauf que dans la réalité, l’université devra accomplir une véritable révolution copernicienne quant à ses critères de reconnaissance professionnelle. Pour l’instant ceux-ci sont réduits à la seule prise en compté des travaux de recherche. Les activités administratives, pédagogiques sont minorées pour ne pas dire ignorées par le CNU et/ou les commissions de spécialistes qui recrutent paradoxalement elle embauche des enseignants-chercheurs.
    Sauf que dans la réalité, mis à part quelques domaines comme celui des STAPS, des IUT, de la Médecine, les écoles d’ingénieurs, l’université n’est pas en mesure aujourd’hui d’assumer ce cahier des charges Leur carrière étant fortement arrimée à leurs travaux de laboratoire et à leurs publications de recherche, les universitaires ont souvent délaissé leur propre formation professionnelle quant à leurs activités d’enseignement et de formation. Il suffit de noter la grande impuissance des services de formation universitaire à promouvoir une pédagogie à l’université. Les ESPE auront de ce point de vue un difficile défi d’harmonisation.
    c. Organiser une formation théorie/pratique en alternance qui revendique le stage pratique comme le cœur du processus de professionnalisation et qui nécessite des formateurs reconnus par l’université (formation de formateurs) et les corps d’inspections (validation de leur expérience de terrain).
    Sauf que dans la réalité, comprendre l’alternance théorie-pratique comme étant la juxtaposition de deux espace-temps : la théorie à l’université et aux universitaires, le pratique et le professionnel aux gens dits de terrain, aux instances académiques, c’est aller à l’encontre de tout ce que l’expérience et la richesse de l’alternance nous a appris, à savoir le théorie et le pratique doivent se trouver intégré dans chacun des domaines de l’alternance : et l’université et le terrain. C’est une position qui se trouve à l’inverse de tous les systèmes éducatifs européens
    Sauf que dans la réalité, quand les universitaires s’intéressent à l’enseignement et à la formation, il adoptent le plus souvent une position top down dont la règle est la proposition d’une application pure et simple de leurs travaux sur le terrain, sous prétexte qu’ils sont scientifiques, porteur d’une universalité dépassant les contingences du terrain. Sauf que dans la réalité, penser que la simple remise institutionnelle du théorique à l’université sera suffisante, c’est oublier la vision applicationniste de la plupart des universitaires. Or les expériences internationales et positives en matière d’enseignement supérieur posent que la fonction des universitaire doit être autant d’apporter du savoir que de le partager en privilégiant le tutorat et non de se réduire à l’apport magistral décontextualisé, tel qu’il est le plus souvent pratiqué en France, notamment dans le premier cycle actuel ou dans le L du LMD.
    Sauf que dans la réalité, en pensant la simple remise de la responsabilité du stage au terrain, c’est certes reconnaître que les stages sont effectivement au coeur du processus de formation, mais c’est avoir l’illusion de croire au vieux fantasme de la formation sur le tas, de penser que le compagnonnage et le terrain sont les seuls garants d’une professionnalité. C’est oublier que les stages doivent, eux aussi, non seulement articuler et intégrer le théorique et le pratique. Là encore un grand défi d’harmonisation, de complémentarité, de partage de territoire et de compétence ne va pas manquer de se poser entre l’employeur et l’ESPE.
    Sauf que dans la réalité, c’est oublier un important problème : la formation et l’accompagnement de ces intervenants pour en faire des professionnels en ce domaine d’intervention. Être un enseignant expert ne veut pas dire que l’on sera automatiquement un formateur efficace. Être un sportif de haut-niveau ne veut pas dire que l’on sera obligatoirement un bon entraîneur, métaphore sportive oblige ! La formation continue devra poser nécessairement la formation des formateurs, les conditions de leur formation, l’élévation de leur expertise et de leur efficacité mais aussi la question de leur reconnaissance statutaire et/ou professionnelle. Et le défi est de taille dans la période économique et de crise budgétaire qui est la nôtre.

    Sauf que dans la réalité, c’est oublier que la plongée sur le terrain doit s’accompagner d’un temps suffisant de préparation didactique et professionnelle, d’accompagnement et de retour réflexif effectué au sein de la structure de formation initiale, sous peine d’exposer non seulement les enseignants-stagiaires à des difficultés d’intervention et des souffrances identitaires importantes mais aussi les élèves à des interventions inconsistantes.

    d. Appuyer la formation des maîtres « en s’appuyant sur les résultats de la recherche dans les sciences et les disciplines comme de ce qu’on appelle la « recherche en éducation » », c’est-à-dire la recherche dans les sciences et les disciplines qui concourent à l’efficacité des pratiques pédagogiques ». Sauf que dans la réalité, en France, les recherches en éducation sont considérées comme « molles » et se situent très bas dans la hiérarchie des disciplines dites scientifiques. Le crédit de scientificité voire d’efficacité leur est en règle générale dénié. Pourtant, elles démontrent tant en France qu’à l’international la vivacité de leurs travaux notamment dans les domaines de la formation et de l’intervention. Elles montrent que leur collaboration étroite avec les acteurs de terrain permet d’obtenir une véritable légitimité et une véritable efficacité dans la construction de connaissances scientifiques en ce domaine.

    Sauf que dans la réalité, on ne peut que s’inquiéter de la place statutaire et budgétaire que vont prendre ces recherches au sein des PRES (Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur) sous la pression de l’évaluation de Shanghai et de la compétition internationale. Les recherches et les postes en éducation n’ont pas jusqu’à nos jours bénéficier d’une bonne presse et risquent de ne bénéficier de peu de moyens pour peser dans les débats et les choix budgétaires. Les ESPE devront renverser cette posture plus souvent scientiste que scientifique.

    Le pessimisme de la connaissance n'empêche pas l'optimisme de la volonté

    L’auteur de ces lignes a consacré sa vie professionnelle aux liens qui lient la recherche, la formation et l’innovation (16). Malgré tous les nuages qui s’accumulent sur la refondation de l’école et en particulier sur la formation initiale et continue des enseignants, il veut croire que l’intérêt et l’ambition de la réussite scolaire de nos enfants, de nos élèves, de nos étudiants, prévaudront sur les luttes de territoires des uns et des autres et que la formation continue pourra apporter à tous les personnels et intervenants l’expertise et le bonheur d’agir qui font la vie de tout métier. En cette fin d’article, je ferai donc mienne la célèbre formule d’Antonio Gramsci, tout en demandant à tous, particulièrement dans cette période de crise politique économique, écologique et quelle que soit sa place et sa fonction de participer à une éducation au courage (17)


     

    1- Philippe Meirieu – Va-t-on vraiment refonder l’École française en 2013 ? – Janvier 2013
    2- ESPE : Ecole Supérieures du Professorat et de l’Education

    3- Rapport Mission Fourgous : http://www.missionfourgoustice.fr/missionfourgous2/IMG/pdf/Rapport_Mission_Fourgous_2_V2_-_202-209.pdf

    4- Eurydice, Eurostat - Chiffres clés de l’éducation en Europe 2009, p160 http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/key_data_series/105FR.pdf  - consulté le 9 mars 2013

    5 -Arnaud Chéron , professeur des Universités en Sciences Economiques (Le Mans) et directeur de recherche sur l'évaluation des politiques de l'emploi au sein du pôle économie de l’EDHEC. L’évolution de la formation professionnelle continue : une perspective international, Janvier 2011
    http://docs.edhecrisk.com/rsc/110111/EDHEC_Position_Paper_Evolution_de_la_formation_professionnelle.pdf  - consulté le 9 mars 2013
    6- André De Peretti (1982), La formation des personnels de l’Education nationale, Documentation française.

    7- OCDE (2011). Buildling a High-Quality Teaching Profession Lessons from around the world

    - http://www2.ed.gov/about/inits/ed/intrnational/background.pdf  - consulté le 13/03/2013
    8 André De Peretti (1982), La formation des personnels de l’Éducation nationale, Documentation française.

    9- André De Peretti (1982), idem p18-21
    10- Le rappel dans les projets de V. Peillon de l’action des mouvements associatifs et en particulier de l’Education populaire et de ce point de vue la réparation de la grande erreur qui a consisté à se priver de leur expertise tant dans la formation initiale que dans la formation continue. Dans le master de formation initiale MESFC que nous avons créé à Lyon1 depuis 2009, nous n’avons qu’à nous réjouir de la collaboration que nous avons rétablie.

    11- A l’heure d’aujourd’hui il intégrerait, assurément, les FOAD, à savoir les formations à distances, l’apport des TIC et du l’e-learning avec une complémentarité du présentiel et du non présentiel.

    12- En ce domaine et pour exemple, les procès d’intention et la volonté ministre d’imposer des conceptions pédagogiques et techniques aux enseignants sur l’enseignement de la lecture et de la grammaire ; cette posture ministérielle a eu pour conséquence de demander à la hiérarchie administrative et d’inviter les parents à rechercher et à dénoncer les « fautifs » qui ne semblent, pas selon, eux respecter les consignes du ministre. Heureusement le ministre a du reculer sur ces désirs de sanctions envers ceux qui ne mettaient pas assez vite le doigt sur la couture de leur pantalon. cf. l’affaire Pierre Frackowiak – cf. les désobéissants

    13- Le café pédagogique : L'innovation pédagogique c'est vous ! Ce n'est pas seulement ce qui est impulsé par le ministère, c'est aussi ce que les enseignants inventent et réalisent chaque jour dans leur classe, avec ou sans les TICE, avec ou sans partenaires extérieurs, en toute liberté. C'est ce message que nous voulons faire passer avec vous, lors du 6ème Forum des enseignants innovants et de l'innovation éducative, qui se tiendra à Nantes les 5 et 6 avril 2013 à l'appel du Café pédagogique et de nombreuses associations professionnelles d'enseignants.
    14 -« Le plaisir d’aller à l’école » « Ouvrir l’école – Créer des réseaux » Ouvrage coordonné par Claire Héber- Suffrin, des anciens élèves et leur conjoint Préface de François Muller, initiateur, au Ministère de l’Education nationale, du réseau social de l'innovation, RESPIRE : Réseau d'échange de savoirs professionnels en innovation, recherche et expérimentation) Postface de Nicole Desgroppes, animatrice de l’association française des RERS (FORESCO), inspectrice ayant mis en place des échanges réciproques de savoirs entre enseignants Edition

    15- En ce domaine et pour exemple, les procès d’intention et la volonté ministre d’imposer des conceptions pédagogiques et techniques aux enseignants sur l’enseignement de la lecture et de la grammaire ; cette posture ministérielle a eu pour conséquence de demander à la hiérarchie administrative et d’inviter les parents à rechercher et à dénoncer les « fautifs » qui ne semblent, pas selon, eux respecter les consignes du ministre. Heureusement le ministre a du reculer sur ces désirs de sanctions envers ceux qui ne mettaient pas assez vite le doigt sur la couture de leur pantalon. cf. l’affaire Pierre Frackowiak – cf. les désobéissants

    16- Dernier ouvrage Alin C., (2010), La Geste Formation - Gestes professionnels et Analyse des pratiques, L’Harmattan, Paris,.

    17- Fleury C. (2011) La fin du courage, Fayard, Paris.

     

     


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  • Motion votée à Créteil le 22 mars 2013

    Soucieux de la qualité de la formation des futurs enseignants préconisée par la réforme, les responsables des préparations au concours des Professeurs des Écoles et des Professeurs des lycées et collèges de l’Académie de Créteil réunis le 22 mars à Créteil tiennent à exprimer leur inquiétude sur les conditions de mise en oeuvre des ESPE et des masters MEEF et à réaffirmer un certain nombre de principes et de nécessités.

    La qualité des enseignements proposés à l’école primaire, dans les collèges et dans les lycées, à laquelle nous sommes fermement attachés, repose nécessairement sur un socle disciplinaire ou pluridisciplinaire solide et sur une réelle formation à la recherche.

    Le nouveau concours acte la quasi disparition des disciplines de spécialité : une seule épreuve sur les quatre porte sur les savoirs disciplinaires en tant que tels et, en outre, le barème d’évaluation conduit à les sous-évaluer nettement (1/6 de la note globale d’admission au CAPES).

    Le calendrier prévu entraîne la surcharge du M1 avant les épreuves écrites : à courir trop d’objectifs, on aura tout à la fois une préparation disciplinaire insuffisante, une formation professionnelle illusoire et une initiation à la recherche inexistante.

    Enfin, il est inacceptable d’avoir à travailler sans que les textes réglementaires et législatifs définitifs soient connus. L’élaboration des maquettes de diplôme est impossible sans connaissance préalable des programmes et des modalités des concours et un délai suffisant pour la concertation des équipes pédagogiques.

    27 pour – 1 contre – 9 ne prend pas part au vote – 4 abstentions


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  • Mise en place des ESPÉ : « Lettre ouverte à Jean-Jacques Pollet, Recteur de l’Académie de Lille, Chancelier des Universités » du Conseil de l’UFR de Langues, Lettres et Civilisations Etrangères de l’Université Lille 3, Villeneuve d’Ascq, le 22 mars 2013.

    Nous, Enseignants membres du Conseil de l’UFR de Langues, Lettres et Civilisations Etrangères de l’Université Lille 3

    • apprenons avec consternation que le projet d’ESPÉ de l’Académie de Lille co-signé par les établissements partenaires prévoit de réduire la formation disciplinaire des futurs enseignants à seulement 30% du volume horaire de Master, soit une diminution pouvant atteindre 75% du volume actuel ;

    • affirmons que la formation pédagogique des enseignants ne peut se faire aux dépens de leur formation disciplinaire et demandons que la proportion d’enseignement disciplinaire soit au moins égale à 50% du volume total de la formation ;

    • considérons que ce projet en son état actuel dégradera irrémédiablement la compétence disciplinaire des enseignants et la qualité de l’enseignement dispensé aux élèves du primaire et du secondaire de notre pays ;

    • considérons que ce projet porte atteinte à la mission de formation des universités et qu’il est contraire au Code de l’Education, qui stipule (Article L123-2) : « Le service public de l’enseignement supérieur contribue : 3° A la réduction des inégalités sociales ou culturelles et à la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes en assurant à toutes celles et à tous ceux qui en ont la volonté et la capacité l’accès aux formes les plus élevées de la culture et de la recherche ;

    • considérons enfin que ce projet en son état actuel ne garantit pas, à travers la procédure d’accréditation régionale, une qualité égale de la formation des enseignants sur tout le territoire, et qu’il est contraire à la Constitution Française, qui stipule (Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 – Article 13, Constitution du 4 octobre 1958) : La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat.

    • exigeons que l’Etat, garant du respect du Droit, mette à la disposition des Universités les moyens nécessaires à une formation disciplinaire de qualité des enseignants sur tout le territoire ;

    • vous demandons solennellement, en votre qualité de Chancelier des Universités, d’intervenir personnellement auprès des Ministères de tutelle pour obtenir : 1/ le report de l’application de la réforme de la formation des enseignants à la rentrée 2014 ; 2/ l’organisation, dès maintenant, tant au niveau académique que national, d’une concertation franche, sereine, sérieuse et appuyée sur une représentation équilibrée entre tous les acteurs, étudiants et universitaires, de la formation des enseignants.

    Villeneuve d’Ascq, 22 mars 2013.


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  • Motion du département de Lettres Modernes de l’Université Jean Moulin-Lyon 3

    20 février 2013
    Le Département de Lettres Modernes de l’Université Jean Moulin-Lyon 3, réuni le 20 février 2013, condamne le projet de loi de Refondation de l’École, mené sans réelle concertation avec les personnels formateurs concernés et selon un calendrier qui ne permet ni une réflexion véritable ni le bilan de ce qui a été fait précédemment, et notamment de la “mastérisation”.

    Le principe de cette loi est en effet que le maintien du doublon concours/master permettrait une sorte de division du travail entre le diplôme et le concours, le premier étant censé s’occuper de la formation et de l’évaluation disciplinaire, le second de l’évaluation des « compétences » pédagogiques. Or la destruction de l’ancrage disciplinaire de la formation s’amplifie de facto puisque la seule véritable sanction restera celle du concours : la licence sera donc le point d’aboutissement de la formation disciplinaire pour les futurs enseignants, alors même qu’une part importante de « pluridisciplinarité » y est introduite pour donner corps à la préconisation de continuité avec l’enseignement secondaire qu’introduit par ailleurs le projet de loi.

    Le nouveau concours prévu dans ces textes laisse une place réduite aux savoirs des disciplines de spécialité : une seule épreuve sur quatre porte sur les savoirs disciplinaires en tant que tels et, en outre, le barème de notation conduit à les sous-évaluer nettement (1/6 de la note globale d’admission au CAPES). Les autres épreuves du concours se veulent à coloration « didactique », pédagogique » et sont destinées à évaluer des compétences dites « professionnelles ». Mais des compétences professionnelles peuvent-elles, dans ce domaine, s’évaluer sans élèves ? La disparition d’épreuves disciplinaires importantes aux concours ne peut que compromettre la qualité de l’enseignement dans les lycées et collèges : une formation professionnelle de qualité ne peut pas reposer sur la diminution des savoirs et la didactique, comme l’ont toujours défendu les spécialistes de cette discipline, n’a pas de sens sans ancrage disciplinaire. Au nom de la “professionnalisation”, cette réforme prive les étudiants du bagage théorique et méthodologique dont ils ont besoin pour tirer pleinement profit de la pratique de classe encadrée en M2 et pour s’approprier le métier d’enseignant de manière progressive, autonome et sure ; elle les prive du socle de connaissances indispensable à toute réflexion critique sur les apprentissages de leurs élèves et sur leurs objectifs.

    Le Département de Lettres Modernes note en outre que le calendrier prévu entraîne non seulement la surcharge du M1 au nom d’une rhétorique vide de « l’intégration » du disciplinaire, du didactique, du pédagogique et du professionnel mais qu’en M2 l’essentiel du temps soit inévitablement consacré au stage (mi-temps d’un service normal). Une préparation disciplinaire insuffisante, une formation “professionnelle” illusoire (déconnectée de la pratique de terrain) et une initiation à la recherche inexistante : ce projet semble avoir réussi à proposer pire que la “masterisation”. Monté dans une précipitation qui affole les étudiants et se surajoute à 5 ans de réformes à marches forcées imposées aux préparateurs, en dépit de toutes les analyses et de tous les avertissements, ce projet aggrave la situation en créant les ESPE, placées sous l’autorité directe du Rectorat, et qui font des universités de simples prestataires de service de ces structures.


    Le Département de Lettres modernes de l’Université Jean Moulin-Lyon 3 tient à affirmer son attachement à la dimension scientifique disciplinaire des concours de recrutement du secondaire, et plus généralement à la dimension disciplinaire des formations universitaires. Conscient de sa responsabilité dans la réussite des étudiants, il s’interroge sur la place faite aux enseignants-chercheurs dans un dispositif qui lui semble à la fois inefficace et porteur d’une dégradation inacceptable de la qualité de la formation des enseignants. Il demande que soit ouverte une véritable concertation sur cette question, et que les enseignants-chercheurs y soient enfin réellement associés, à tous les niveaux. Il demande en outre que toutes les instances de l’université se saisissent de ces questions fondamentales pour l’avenir de notre système éducatif.

     Adoptée à l’unanimité par 17 voix, le 20 février 2013.


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  • Le débat parlementaire sur la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (qui comporte notamment quelques articles sur la formation des enseignants) vient de s’achever à l’Assemblée Nationale. Il reprendra au Sénat au mois de mai. Afin de mieux faire connaître les positions du GRFDE aux sénateurs, quatre représentants du GRFDE ont été reçus successivement le 19 mars dernier par Mme Gonthier-Maurin, sénatrice Front de Gauche et conjointement par Mmes Blandin et Bouchoux, sénatrices écologistes. Voici un bref compte rendu de leur visite.

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  • Le 15 mars 2013, (à l’unanimité des présents)

    Le département d’études anglophones de l’université de Caen Basse-Normandie tient à exprimer son opposition et son inquiétude au sujet de la réforme du CAPES et de la création des futures ESPE. Ces réformes ne sauraient être conduites dans l’urgence et sans tenir compte de l’avis des enseignants et des étudiants concernés au premier chef.

    Par conséquent, nous demandons l’ouverture d’une véritable concertation entre le gouvernement, les enseignants et les étudiants qui se destinent à ces épreuves. Tout en reconnaissant l’intérêt et l’utilité d’une formation à la didactique, nous nous opposons à une nouvelle diminution de la part disciplinaire (langue orale, traduction, linguistique, littérature, civilisation, arts visuels), diminution qui ne peut qu’aboutir à la fragilisation des futurs enseignants lorsqu’ils seront placés devant une classe et ne fera qu’accélérer la baisse du niveau des élèves.


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  • 11 mars 2013

    Le Conseil d’UFR Lettres et Langues de l’Université de Tours exprime sa profonde préoccupation et sa déception face au projet de réforme de la formation des enseignants du second degré (concours du CAPES), qui ne répond pas aux attentes et aux urgences de la situation actuelle. La précipitation et le manque de concertation avec lesquels ce projet a été élaboré conduisent à dégrader la formation des enseignants, au lieu de l’améliorer:

    -les épreuves académiques du concours sont marginalisées, alors même que l’instauration annoncée de licences généralistes limitera en amont les apprentissages disciplinaires ; 

    - l’augmentation des épreuves professionnelles au concours réduit la professionnalisation à une théorie non ancrée dans la pratique et qui risque de n’être qu’un objet de bachotage ; 
    - l’articulation entre la formation (Master) et le recrutement (concours) contraint les contenus des enseignements, la part disciplinaire étant réduite d’une manière très alarmante ; 
    - la formation disciplinaire et l’initiation à la recherche sont sacrifiées par un Master MEEF unique dans lequel les disciplines ne représentent plus que des parcours, dont les programmes à « blocs » sont intenables et qui est isolé du reste de la formation universitaire, empêchant ainsi l’éventuelle réorientation des étudiants (en particulier en cas d’échec au concours), et compromettant la continuation d’études jusqu’à l’agrégation externe.
    Le Conseil de l’UFR Lettres et Langues de l’Université de Tours demande la suspension de ce projet de réforme, pour que s’ouvrent de nouvelles négociations en vue d’une vraie réforme que les universitaires appellent de leurs vœux.


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  • Cette nouvelle tribune importante a été mise en ligne mercredi 13 mars sur le blog "Sciences2", de Sylvestre Huet, journaliste scientifique du quotidien Libération.

    Dans ce texte, le GRFDE analyse de manière très précise les conséquences du projet que semble retenir le gouvernement (deux années de master avec concours en fin de M1). Il y pointe notamment :
    - le risque très sérieux d'un affaissement de la formation académique, 
    - celui d'une qualification didactique et pédagogique superficielle,
    - la disparition de la recherche (des ersatz de masters), 
    - le maintien de la crise du recrutement,
    - celui d'une masse de "reçus-collés",
    - la mise en place d'un système ubuesque où il y aurait deux masters, un master "gagnants" (pour les reçus), un master perdants (pour les collés) et deux dispositifs de formation en M2,
    - le tout pour un coût très élevé (bien supérieur à celui du projet du GRFDE).
    Il critique la croyance dans les vertus formatrices des épreuves dites "professionnelles" qui sont envisagées pour les prochains concours. 

    Mais il définit finalement quelques grands axes autour desquels pourraient se re-construire vraiment la formation des enseignants dévastée par la politique de la droite. Grâce à une formation rémunérée d'une durée de 3 ans, affranchie de tout bachotage, ce dispositif permettrait de travailler dans la durée les articulations nécessaires entre apprentissages académiques, disciplinaires, didactiques et pédagogiques dans le cadre d'une alternance progressive, comportant des stages dès le début du M1 (d'abord en observation, bien sûr), dans un cadre universitaire adossé à la recherche. Ces axes pourraient former la base d'un consensus entre tous les acteurs de la formation des enseignants, tant ceux qui sont légitimement attachés à la qualité de la formation académique et disciplinaire, que ceux qui veulent aider les enseignants à se donner la formation didactique et pédagogique qu'exige l'objectif central d'une école de l'égalité.

    À lire et à diffuser...

    Le pdf :

    Télécharger « GRFDE-Tribune-HUET2.pdf »

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  • Le texte du GRFDE comprenant les 7 propositions d'amendements au projet de l'oi d'orientation est en ligne sur le site du café pédagogique (11 mars 2013). Il estégalement téléchargeable ici :

    Télécharger les 7 propositions d'amendements au format PDF

    "Parce que nous sommes convaincus qu’une réforme ambitieuse est nécessaire, nous nous adressons à l’ensemble des parlementaires et notamment aux députés et sénateurs du PS, de EELV et du Front de Gauche qui ont promis au printemps dernier de reconstruire la formation des enseignants : utilisez votre pouvoir législatif, adoptez les amendements qui garantiront durablement un dispositif ambitieux de formation des enseignants ! Dans cette perspective, nous soumettons à votre jugement une série de propositions d’amendements. Sachez aussi que la réforme que vous dessineriez par ces amendements aurait un coût budgétaire bien moins élevé que la réforme envisagée actuellement par les ministres en charge du dossier"

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  • Le jour de l'ouverture du débat parlementaire à l'Assemblée nationale sur le projet de loi d'orientation pour la refondation de l'école, lundi 11 mars, le Café pédagogique a mis en ligne un nouveau texte du GRFDE 

    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2013/03/11032013Article634985735999837759.aspx

    dans lequel celui-ci pointe le flou du projet concernant la formation des enseignants et propose aux parlementaires d'adopter 7 amendements qui garantiraient la rupture avec la politique de Darcos-Pécresse et réaliseraient les conditions d'une formation de qualité, à la hauteur des exigences de la "refondation de l'école de la République.

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  • Motion du département d'études germaniques de l'université Sorbonne Nouvelle-Paris 3

     Depuis janvier 2010, trois réformes du CAPES se sont succédé dans l'urgence : à l'intégration du concours dans un parcours de Master, programmant d'abord les épreuves en M2, s'est ajoutée une session exceptionnelle en juin 2013 visant à ramener l'ensemble du concours en M1 dès l'année universitaire 2013-2014.

     Trois réformes en trois ans ont épuisé les bonnes volontés enseignantes, désorienté les étudiants et accablé un personnel administratif constamment sollicité par les questionnements et récriminations de candidats d'autant plus inquiets que le socle de leur formation est mouvant. En particulier, la constante restructuration et réduction des socles disciplinaires entre épreuves écrites et orales met à mal la progression naturelle entre la formation disciplinaire de Licence et son enrichissement attendu en Master. La refonte perpétuelle des enseignements, qui superpose aujourd'hui, pour une même promotion d'étudiants, jusqu?à trois sessions simultanées, relève non seulement de la gageure organisationnelle, mais de l'irrespect des méthodes et compétences disciplinaires et, au final, des candidats eux-mêmes, et du public devant lequel ils aspirent (encore) à enseigner.

    En conséquence, le conseil du département d'Etudes germaniques de l'Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, réuni le 28 février 2013, demande à l'unanimité :

     - l'instauration d'un moratoire concernant la réforme en cours du CAPES d'allemand, le maintien des savoirs disciplinaires universitaires (littérature, civilisation, linguistique, traduction, langue orale, didactique) au coeur du processus de sélection, écrit et oral, des candidats ; et

     - une concertation équitable entre tous les acteurs concernés préalablement à la refonte des maquettes des prochains Masters Métiers de l'Enseignement, de l'Éducation et de la Formation (MEEF).

     Voté à l'unanimité le 28 février 2013 


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     Motion sur la réforme de la formation des enseignants du Conseil de l'IUFM de l'académie de Créteil

     

    Éprouvés par quatre années de mise en oeuvre d’une « masterisation » mal conçue, mal engagée dont les effets sur l’attractivité des métiers de l’enseignement et les conditions d’entrée dans le métier ont été notoirement négatifs, les personnels de l’UPEC – IUFM de l’académie de Créteil ont placé leurs espoirs dans une nouvelle réforme de la formation des enseignants et sont désireux de s’investir dans la reconstruction de celle-ci. Les membres du conseil de l’IUFM saluent les efforts des membres de l’IUFM, en concertation avec leurs partenaires des autres composantes de l’UPEC, du rectorat de Créteil et des autres universités de l’académie, pour élaborer un projet d’Ecole supérieure du professorat et de l’éducation. Ils sont cependant inquiets des conséquences à court, moyen et long terme d’une réforme mise en place de manière précipitée et sans concertation suffisante des différents acteurs impliqués. 

     

    Outre les interrogations liées au statut, au personnel et au fonctionnement des futures Ecoles supérieures du Professorat et de l’Éducation, les membres du conseil de l’IUFM constatent que le scenario envisagé au niveau du master – un master combiné avec la préparation des concours, en master 1, et avec l’année de fonctionnaire- stagiaire à mi-temps, en master 2 – tout en rétablissant une formation alternée pour les fonctionnaires-stagiaires conduit à une diminution globale du temps de formation des enseignants en master, qui aurait une incidence sur ses aspects tant disciplinaires que didactiques, pédagogiques et transversaux. Ils s’inquiètent d’une possible transformation du mémoire de recherche de Master 2 en quelque chose qui s’apparenterait peu ou prou à un rapport de stage. Plutôt qu’un mémoire de « mise en situation professionnelle » (document du comité de suivi de master du 14 février 2013), ils souhaiteraient que soit exigé de la part des étudiants un mémoire de recherche professionnalisante. Il ne serait pas acceptable que ce projet de réforme puisse déboucher sur une querelle de « partage de miettes », qui opposerait les différents aspects de la formation des enseignants. Ceux-ci sont tous aussi nécessaires et doivent être organiquement articulés les uns aux autres. 

     

    Dans le contexte d’une académie très déficitaire en enseignants, les étudiants de Master 2, fonctionnaires-stagiaires en responsabilité pour un mi-temps de service, ne doivent pas risquer d’être utilisés comme moyen d’enseignement. Une politique ambitieuse de formation continue doit pouvoir être intégrée au projet d’ESPE, en lien avec la formation initiale. Dans le second degré, il serait inquiétant qu’en raison de l’application stricte du « principe de continuité académique » de la formation de master, des centaines de néo-titulaires puissent être affectés à plein temps dans l’académie de Créteil, après leur master, sans avoir effectué de stage ni suivi de formation liés à ce contexte. 

     

    Dommageable enfin est la précipitation dans laquelle cette réforme est mise en place : les dossiers d’accréditation des ESPE doivent être remis alors même que le principe de l’accréditation emportant habilitation des diplômes n’a pas encore été adopté par le Parlement ni légalement inscrit dans la loi (pointé par le CNESER le 8 janvier 2013). De plus, les acteurs des ESPE sont enjoints de prendre des engagements sur les futurs masters métiers de l’enseignement et de la formation, préparant aux concours de l’enseignement, alors même que les maquettes des concours ne sont pas encore connues. Seule une « maquette générique » a été diffusée par le Comité de suivi de master, suscitant de nombreuses interrogations sur les épreuves de ces concours. Enfin, malgré les efforts des différentes instances et des élus, le processus de constitution d’une ESPE dans l’académie de Créteil s’effectue dans un calendrier si resserré qu’il met en péril la possibilité d’une concertation approfondie avec les différents partenaires de l’académie. 

     

    En conséquence, assurés que les formateurs de l’UPEC-IUFM de Créteil sont toujours désireux de s’investir dans une formation ambitieuse pour les enseignants de demain, les membres du Conseil de l’IUFM demandent des mesures d’urgence pour l’année dite transitoire 2013-2014 (conditions et moyens de formation pour les étudiants de master et pour la nouvelle promotion de fonctionnaires-stagiaires), de prendre le temps d’une concertation approfondie avec tous les acteurs impliqués. Ils demandent que toutes les garanties soient données pour que le travail de concertation autour de la future ESPE ne soit pas considéré en 2013-2014 comme définitif, et se poursuive pour la mise en place d’une réforme de la formation des enseignants qui puisse répondre aux enjeux de la refondation de l’École de la République. 

     

    Motion adoptée par le Conseil de l’IUFM de l’académie de Créteil, le 1er mars 2013 par 18 voix « pour », 3 « contre » et 4 « abstentions » 


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